Partenariat avec le Lycée Professionnel de Chardeuil
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Actualités
L’atelier menuiserie de Chardeuil a produit pour la Légion VIII Augusta des répliques de catapultes, des instruments de mesures topographiques, des boucliers et des meubles divers.
Il s’agit là d’un partenariat tout à fait original et très probablement unique entre un lycée professionnel et un groupe de reconstitution historique (association loi 1901).
C’est dans le cadre d’un Projet Pluridisciplinaire à Caractère Professionnel (P.P.C.P.) que plusieurs promotions de bac professionnel Construction Aménagement Bâtiment aidés par M.M. Forget et Cabot respectivement professeurs de Génie industriel bois et de Lettres-Histoire (et accessoirement membres de la légion VIII) ont réalisé tous ces projets. Les finalités de cette association sont multiples: elles permettent aux deux partenaires de collaborer ensemble vers un but unique: la promotion de l’archéologie expérimentale grâce au savoir-faire manuel et technique des élèves de lycée professionnel.
Cette collaboration montre aux élèves qu’il peut exister un lien très étroit entre les connaissances professionnelles qu’ils acquièrent à Chardeuil et la culture historique. Ainsi, de façon plutôt informelle et en dehors du strict cadre habituel de la salle de classe, des programmes officiels, des leçons “formatés” et des inévitables contrôles qui s’en suivent, les jeunes (re)découvrent de façon plus décontractée une période historique et retrouvent même souvent une curiosité naturelle pour des époques lointaines que bien des années de scolarité ininterrompues avaient fini par anesthésier.
Il est pour mauvaise habitude dans notre pays de trop souvent opposer le travail manuel et la Culture (souvent très intellectualisée en France). Ce genre de collaboration montre à tous que c’est l’union des deux qui peut faire avancer les choses: grâce aux connaissances historiques et archéologiques de membres de la légion VIII Augusta et au savoir-faire du lycée professionnel de Chardeuil, l’archéologie expérimentale a pu progresser dans le domaine de l’artillerie nevrobalistique (catapultes) et dans celui des instruments de mesures topographiques romains.
Les réalisations des élèves de bac professionnel de Chardeuil ont même eu l’honneur de figurer dans des articles de vulgarisation scientifique:
Les articles sur “le scorpion vitruvien” paru dans le n° 24 mars-avril 2006 de la revue Histoire Antique et “les agrimensores géomètres du temps romain et leurs instruments de mesures” publié dans le n° 89 avril-mai 2007 de la revue l’Archéologue témoignent de l’intérêt qui est porté à ce genre d’expérience.
Mais bien mieux qu’un long discours, le meilleur hommage que nous pourrions donner à ces jeunes gens est de vous les faire découvrir sur leur lieu de travail et de vous montrer leurs différentes réalisations.
Quelques réalisations effectuées par le L.P. de Chardeuil
De l’utilité des techniques antiques dans la pédagogie du XXIème siècle…
Par Gilles Forget (Ægidius Aurifex à la légion VIII), enseignant en génie industriel bois
Je voudrais présenter ici l’apport pédagogique que représente tant pour les élèves que pour les enseignants ce travail de reconstitution. Sur le plan des acquisitions professionnelles, c’est un “plus” non négligeable. Le programme standard des classes de baccalauréat professionnel bois, s’il est dense et bien cadré, manque cependant d’éléments que j’estime importants dans ce que doivent connaître des élèves dont le débouché principal, dans notre Périgord, est l’artisanat. Je pourrais dire qu’il manque de “fantaisie”.
La plupart des travaux que nous effectuons à l’atelier, portes, fenêtres, agencements d’intérieur, sont bien définis par des normes, des standards, des règlements. Liés par ces cadres, les élèves ont peu d’autonomie, ils apprennent des techniques déjà élaborées par d’autres, sur un chemin tout tracé. Bien que l’acquisition de ces techniques soit nécessaire, j’y vois deux inconvénients: d’une part l’élève a peu à réfléchir, à faire preuve d’imagination, et d’autre part il sera peu adapté aux réalités du monde artisanal de notre région, où la restauration de vieux bâtiments est une partie très importante du travail, et demande un esprit de “débrouillardise”, d’adaptabilité à des situations toujours différentes.
D’où l’avantage de ces projets pédagogiques concernant la reconstitution historique et l’archéologie expérimentale. Nous avons à fabriquer des objets totalement “hors-normes”, qui ne sont souvent pas définis, si ce n’est par un vague croquis, une photo peu lisible, voire même seulement quelques lignes dans un texte antique… A partir de ces seuls renseignements, il faut concevoir un appareil complexe (le scorpion par exemple) et qui devra fonctionner avec des résultats probants, une précision satisfaisante (les appareils de topographie), ou une qualité esthétique évidente (les meubles romains).
J’ajouterai en plus (last but not least !) à ces critères, l’exigence de ” l’archéo-compatibilité” qui nous a souvent posé des problèmes: pas de nos modernes vis, boulons, moyens modernes d’assemblages ou de quincaillerie… Il faut que (au moins) visuellement, de l’extérieur, nos fabrications aient le même aspect qu’elles pouvaient avoir dans l’antiquité. Là, j’avoue avoir parfois un peu triché, avec des collages, des fixations, que nous nous efforçons de rendre invisibles.
Nous opérons en général par petites équipes de deux ou trois élèves, qui ont la responsabilité totale, avec une grande autonomie à partir des quelques éléments fournis, de la définition de l’ouvrage, de sa mise en plan, de son processus de fabrication.
Leur enthousiasme, leur investissement dans la fabrication, le soin apporté à ces réalisations, est pour moi la preuve que je ne me trompe pas de chemin. J’ajouterai enfin que pour des élèves dont l’orientation vers un lycée professionnel a souvent été présentée comme un échec (tu ne réussis pas à l’école donc tu feras un manuel…) ces fabrications sont très valorisantes sur le plan personnel. De savoir que ces ouvrages sont exposés, filmés par les télévisions, photographiés pour les journaux, reconnus par des historiens, leur rend confiance dans leurs capacités.