Impedimenta et sarcinae, les bagages du légionnaire

Par • Publié dans : Armée romaine

Dans la description de l’avance et des manœuvres d’une légion, reviennent sans cesse deux mots qui conditionnent toute la logistique : impedimenta et sarcinae. Deux mots et deux réalités qu’il ne faut surtout pas confondre.

Les impedimenta

Les impedimenta : étymologiquement ce qui entrave les pieds, ce qui gêne la marche.
Le terme d’impedimenta désigne tout le train de combat d’une légion, avec munitions, outillage divers, artillerie lourde le plus souvent démontée, armes, tentes, vivres… tout cela bien rangé sur des chariots auxquels sont attelées plus de quatre mille bêtes de somme, mules et bœufs, menées par tout un monde de calones, de bouviers, de muletiers, presque autant d’hommes que de légionnaires en armes !
Dans la marche à l’ennemi, au sein de l’agmen, les impedimenta sont protégées bien au centre de la « légion lourde ». Toute unité ou toute armée qui les perd devient incapable de poursuivre ses opérations.

Ce légionnaire de la Legio VIII Augusta, transformé en "mule de Marius", porte ses sarcinae suspendues à une furca de bois. Il vient de parcourir quelques miles et va profiter d'un court moment de repos:"Consistere! Laxate! Ostiose!" Ah!, les beautés de l'archéologie expérimentale.....
Ce légionnaire de la Legio VIII Augusta, transformé en “mule de Marius”, porte ses sarcinae suspendues à une furca de bois. Il vient de parcourir quelques miles et va profiter d’un court moment de repos:”Consistere! Laxate! Ostiose!” Ah, les beautés de l’archéologie expérimentale…..

Les sarcinae : le paquetage de marche de l’armée romaine

Les sarcinae (étymologiquement de sarcire, rapiécer la toile de lin qui les enferme dans un baluchon). Ces sarcinae, suspendues à une furca, comprennent une mantica (le baluchon avec des effets personnels de rechange), une pera (petit sac de cuir avec des objets comme rasoir, affaires de toilette…), une patera et une situla (ustensiles de cuisine), un filet avec trois à quinze jours de vivre, un sagum (manteau), deux pieux, les pila muralis, pour la palissade du camp, quelques outils répartis entre les hommes du même contubernium… soit un paquetage individuel d’environ quarante kilogrammes !
Cette « légion légère » autonome, plus rapide, jusqu’à trente km en une seule journée, manœuvre plus facilement. Mise au point par C. Marius, elle devient l’une des armes préférées de César et « les mules de Marius » surprennent souvent l’ennemi par leur « celeritas ».

C'est plus facile à la belle saison, à la fin de l'été ou au tout début de l'automne mais le poids des sarcinae reste le même. Ce légionnaire, d'époque flavienne, lourdement chargé, s'élance avec détermination.
C’est plus facile à la belle saison, à la fin de l’été ou au tout début de l’automne mais le poids des sarcinae reste le même. Ce légionnaire d’époque flavienne, lourdement chargé, s’élance avec détermination.

Le consul Caius Marius, pour réduire autant que possible les bagages qui embarrassent toujours une armée, fit faire à chaque soldat un ballot, tant de son petit équipage que de ses provisions. On le portait sur l’épaule avec une fourche, ce qui en rendait la charge plus facile. C’est de là qu’est né le proverbe : les mulets de Marius.
Frontin, Stratagèmes, IV, 1, 7

Légionnaires qui marchent
Légionnaires qui marchent

Entre 106 et 103 av J.-C, le consul Caius Marius réforme l’armée romaine en profondeur, haussant les effectifs d’une légion de 4000 à 6000 hommes. Tout en devenant plus imposante, la légion devient paradoxalement plus flexible en exigeant de chaque soldat qu’il porte ses bagages personnels au bout d’une fourche en bois. En diminuant le train d’animaux d’une légion, l’armée romaine gagne en autonomie, rayon d’action et surtout en vitesse de déplacement. C’est cette Celeritas, maintes fois louée par César, qui va lui permettre de soumettre la Gaule en moins d’une dizaine d’années. 150 ans plus tard, la Colonne Trajane, monument élevé en plein cœur de Rome vers 113 ap J.-C pour saluer la conquête de la Dacie, présente dès ses premiers reliefs l’image de légionnaires chargés de tous leurs bagages, enjambant le Danube à la conquête de nouveaux territoires.
C’est en croisant les sources littéraires, papyrologiques et archéologiques que l’on peut dresser la composition approximative d’un paquetage de marche réglementaire.
Le paquetage doit permettre au légionnaire d’être le plus autonome possible. Celui-ci doit emporter de quoi boire et manger pour 3 jours, voire plus selon le théâtre d’opération; des vêtements de rechange et tous les ustensiles qui lui permettront de creuser et d’édifier les fortifications du camp d’étape. Les sources indiquent des éléments récurrents, détaillons-les ensemble.

Dans les forêts du Morvan
Dans les forêts du Morvan

Les ustensiles de cuisine et les aliments de base

Dans le paquetage, le soldat doit disposer d’objets lui permettant de cuisiner car à cette époque il n’y a pas de cantine générale. Il doit disposer d’une casserole (patera) en bronze ou bois lui servant d’assiette et permettant de faire son pain (panis) ou ses biscuits durs (buccelatum) à partir de sa ration de blé (frumentum ). Les ragoûts, à base de viande fumée (laridum) ou les soupes peuvent être cuites dans un chaudron de plus grande dimension (vasa ou situla). Durant les campagnes, le vin pur est interdit, il est remplacé par du vin aigre (acetum) ou par une boisson mélangeant de l’eau et du vinaigre (posca). Ces liquides sont probablement contenus dans une gourde en cuir (utres). Afin de permettre une hydratation régulière et accessible, la gourde devait être enserrée dans un filet à provision à grosses mailles pendant au bout de la fourche.

Les paquetages sur les boucliers
Les paquetages sur les boucliers

Le petit sac, pera, et le grand sac, mantica

Sur la Colonne Trajane, plusieurs types de sac apparaissent accrochés sur la partie supérieure de la fourche. Un petit sac ( pera), probablement réalisé en cuir, devait contenir les effets personnels du soldat ( rasoir, couteau, cuillère, lampe à huile, argent, etc…) mais aussi une partie des rations qui ne peuvent tenir dans le filet à provision et qui craignent les intempéries ( fèves, fromage ( caesus), sel pour éviter la déshydratation, etc…) . Le grand sac ( mantica), comparable dans sa forme à un sac de marin, est davantage destiné à contenir les vêtements de rechange ( tuniques, chaussures, etc…) ou des outils de petite dimension.

Prêt pour monter le camp
Prêt pour monter le camp

Les outils pour le camp de marche

Flavius Josèphe, auteur de l’époque flavienne, mentionne que l’équipement de chaque fantassin inclut, en plus de ses armes et de son armure “une scie, une panière, une pioche (dolabra) et une hache, en plus d’une courroie en cuir, une faucille et une chaîne». Il est évident qu’une série d’outils destinés à couper du bois, à creuser et à déplacer la terre devaient se répartir au sein des soldats d’une centurie; la faucille indique aussi que le soldat pouvait moissonner les terres de l’ennemi afin de se ravitailler plus facilement. Egalement d’autres auteurs et objets indiquent que le militaire portait des pieux en bois permettant la réalisation d’une palissade temporaire ou d’obstacles défensifs sur les fortifications en terre.

Pour en savoir plus sur notre démarche expérimentale, vous pouvez consulter notre page dédiée.

Auteur : Legion VIII Augusta

Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.

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