Le culte de Mithra
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Religion
Aborder Mithra et son culte est relativement complexe et ce pour de nombreuses raisons. En effet, ce dieu fut adoré de l’Inde à l’Espagne, de l’Écosse à la Syrie, des bords du Rhin aux territoires du Maghreb et de l’Égypte. Il fut vénéré à travers les âges, de différentes manières et rattaché à différents courant religieux du XIVe siècle av. J.-C. à l’Empire romain sans oublier l’empire achéménide de Perse. Aborder le culte de Mithra renvoi au domaine religieux de manière générale, de l’apparition de ce dieu et de l’évolution de celui-ci, ce qui obligerait à aborder le mazdéisme, le zoroastrisme, le mithriacisme en lui-même, le manichéisme ou encore le christianisme ainsi que les civilisations védique, perse et gréco-romaine.
Aborder le culte de Mithra c’est aussi aborder la symbolique des objets et de l’iconographie ce qui peut s’avérer particulièrement ardu lorsque l’on aborde un culte à mystères tel que fut celui de Mithra à l’époque romaine.
Aborder le culte de Mithra enfin, c’est analyser les données provenant de l’iconographie, des objets archéologiques et des plans d’édifices car la littérature concernant la pratique de ce culte fait défaut, chose tout à fait normale puisque l’on parle d’un culte à mystères réservé à des initiés.
Enfin, aborder le mithriacisme c’est aussi évoquer la disparition de celui-ci et les persistances du culte de cette divinité même après sa disparition « officielle ».
Les origines
Originellement, Mithra est une divinité indo-iranienne dont l’existence est attestée dès le XIVe siècle av. J.-C. chez les Hittites. Le document le plus ancien qui mentionne cette divinité est ce que l’on appelle l’Avesta qui est un livre religieux perse(( Grenet 2001, p. 35.)). La religion en question est le mazdéisme dont le dieu principal est Ahura Mazdah. Pour la petite histoire cette religion sera réformée par Zarathoustra qui a vécu en Iran entre le XVe et le XIe siècle av. J.-C., réforme qui donnera lieu à l’apparition du zoroastrisme, religion toujours pratiquée de nos jours en Inde où les pratiquants ont migrés pour échapper à la domination musulmane à partir du Xe siècle ap. J.-C. Avec Zarathoustra le mazdéisme devient une religion monothéiste où le Bien et le Mal s’affrontent, la vie éternelle existant après la mort et les âmes y sont jugées. Les zoroastriens croient également en la résurrection après la fin des temps. Mithra va peu à peu faire l’objet d’un culte à part entière et particulièrement au sein de l’empire achéménide (en Perse, l’Iran actuel) ainsi qu’en Cilicie (Turquie actuelle). En effet, les rois de Perse juraient par Mithra en invoquant sa lumière((Plutarque, Vies parallèles, Alexandre, XXX, 8.)).
L’apparition et la diffusion du culte de Mithra à l’époque romaine
La première mention du culte de Mithra qui concerne l’occident et l’empire romain est issue de l’œuvre de Plutarque. Dans ses Vies parallèles, et dans le chapitre consacré à Pompée (XXIV, 7), Plutarque explique que c’est au contact des pirates de Cilicie, lors de la guerre qu’a mené Pompée contre ces derniers en 66 av. J.-C., que les romains découvrent Mithra et ses mystères.
A partir de cette date le culte de Mithra va se répandre dans tout l’empire romain et sera particulièrement populaire chez les militaires et les commerçants notamment ; et à Rome, c’est à la fin du Ier siècle ap. J.-C. que le mithriacisme devient populaire et ce jusque dans l’entourage impérial((Turcan 2004, p. 33
)). Le culte se développe durant tout le Haut-Empire et l’on retrouve des mithraea au sein de toutes les provinces, en Germanie, Norique, Rétie, Pannonie, Dalmatie, en Syrie, en Afrique Proconsulaire, en Bretagne et bien évidemment en Gaule. Pour ne citer que quelques sites ayant livré des mithraea, on peut mentionner bien sûr les villes de Rome et Ostie, Doura-Europos en Syrie, Volubilis au Maroc, Lambèse, Londres, le petit mithraeum de Carrawburgh sur le mur d’Hadrien((de la Bédoyère 2010, p. 248-249.)), celui de Martigny en Suisse, celui de Tirlemont en Belgique, Strasbourg, le mithraeum de Septeuil dans les Yvelines, d’Angers récemment fouillé par l’INRAP, de Bordeaux, de Lillebonne, de Nuits-Saint-Georges, d’Inveresk récemment fouillé en Ecosse et, récemment fouillé encore (par le département du Pas-de-Calais), celui de Marquise non loin de Calais.
Le culte de Mithra a été diffusé essentiellement par les militaires, qui prisaient particulièrement cette divinité, mais aussi par le biais des commerçants et des artisans ce qui explique la localisation des mithraea sur les frontières militaires ou à proximité des camps mais également au sein de certaines villes et ports.
Mithra et la Légion VIII Augusta
C’est ici les recherches de René Cubaynes qui nous éclairent sur les données existantes concernant Mithra et la VIIIe Légion. Une inscription trouvée à Heilbronn-Böckingen, en province de Germanie supérieure, et datée de 148 ap. J.-C., mentionne une dédicace à Mithra faite par un certain Publius Nasellius Proclianus, centurion de son état((Cubaynes R., Corpus de la Légion VIII Augusta, manuscrit inédit ; CIL XIII, 6477.)). L’autel sur lequel figurait cette inscription, découvert en 1615, a malheureusement disparu aujourd’hui. Excepté ce centurion, d’autres dédicaces sont attribuées à la VIIIe légion, mais cette fois-ci elles sont le fait de simples soldats et furent mises au jour dans les mithraea de Gross-Krotzenburg et de Koenigshofen (Strasbourg)((Turcan 2004, p. 38.)).
Pour citer Mr Cubaynes : « Le centurion Proclianus de la VIIIe légion Augusta, installée à Argentorate, commandait en tant que « praepositus » le fort auxiliaire d’Heilbronn-Böckingen. Dans sa grande prudence il adressait ses vœux à Apollon Pythien, à la Fortune protectrice et à « Mithra, Soleil invaincu ». Exaucé, il s’empressa de remercier les trois pour ne fâcher aucune des trois divinités. Datée de 148, cette inscription serait le plus vieux témoignage du culte de Mithra en Germanie. Entre les années 45 et 69, la VIII, basée à Novae, expédia, à deux reprises, des vexillations en Orient. Des légionnaires, séduits par ce culte oriental, le ramenèrent puis le diffusèrent en Germanie lors de leur installation à Mirebeau (en 70) puis à Strasbourg (circa 90). La VIII aurait ainsi largement participé à la propagation du culte de Mithra. »
Qui est Mithra ?
Mithra est tour à tour défini comme étant le dieu du serment, « le garant de la fides, de l’accord qui consacre l’ordre du monde et de la société, c’est-à-dire aussi bien les rapports entre les dieux et les hommes que des hommes entre eux »(( Turcan 2004, p. 12.
)), c’est une divinité solaire du panthéon mazdéen, le « Dieu du lever du Soleil, de la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort » ; « (…) dans sa forme gréco-romaine, Mithra apparaît comme un cosmocrator (responsable du cosmos), garant du mouvement des astres et en premier lieu du Soleil (…)((Will 1990, p. 432.)). ». Il est aussi protecteur du troupeau de ceux qui défendent leur territoire et donc des soldats. Ce n’est vraiment qu’à la fin du IIIe siècle ap. J.-C. qu’il y a un syncrétisme entre Mithra et Sol Invictus : les deux ne font alors plus qu’un.
La difficulté essentielle qui réside dans la définition du culte de Mithra réside en l’absence de « bible » mithriaque à notre disposition ce qui nous oblige à définir la doctrine liée à Mithra uniquement à travers l’iconographie mithriaque : un livre d’images sans texte((Turcan 2004, p. 93.)).
L’iconographie, provenant essentiellement des stèles retrouvées, nous informe sur la naissance de Mithra et sur ses exploits.
La naissance de Mithra n’est pas la scène la plus représentée de son histoire mais elle apparaît en différents endroits de l’empire romain comme sur une stèle actuellement au musée de Newcastle et provenant de Housesteads, sur une stèle provenant du mithraeum de Trèves, une statue actuellement au musée des thermes de Dioclétien, ou encore des stèles présentées aux musées de Karlsruhe et Güglingen(( Hensen 2013, p. 53.)). Il s’agit de la pétrogenèse : petra genetrix. Mithra naquit de la pierre, peut-être au solstice d’hiver, soit le 25 décembre, date qui devient à la fin du IIIe siècle le Natalis Solis Invicti, la naissance du Soleil((Turcan 2004, p. 80, 96.)). C’est à ce moment-là que Mithra prend en charge le Cosmos, Jupiter demeurant le dieu suprême(( Turcan 2004, p. 146.)). Pour rappel((Voir le livre I des Métamorphoses d’Ovide)), Saturne émerge du chaos (c’est l’âge d’or), désigne Jupiter comme successeur à qui il confie la foudre comme symbole du pouvoir absolu (c’est l’âge d’argent). Ce dernier transforme le printemps éternel en quatre saisons. Après viennent les âges du bronze et du fer. Jupiter terrasse les géants anguipèdes, démons de la nuit, du mal et du désordre qui voulaient s’emparer de l’Olympe. Ce n’est qu’après qu’apparaît Mithra.
Le miracle de l’eau fécondante correspond à la deuxième étape de l’histoire de Mithra. Ce dernier tire à l’arc sur un rocher pour en libérer une source promettant le salut.
Vient ensuite la poursuite du taureau, sa capture (il le chevauche jusqu’à épuisement) et son transport. C’est le transitus, le voyage de Mithra avec le taureau sur les épaules que l’on voit sur certaines stèles et bas-reliefs ; c’est Mithra bouklopos (voleur de bœufs). Le taureau détient les éléments vivifiants qu’il s’agit de soustraire aux tentatives maléfiques ce qui explique la nécessité pour Mithra de le capturer.
La tauroctonie est assurément l’iconographie la plus répandue et la plus connue du culte de Mithra ; elle se déroule à l’équinoxe de printemps. Après sa capture et son transport, Mithra se rend dans une grotte où il sacrifie le taureau après qu’un corbeau, messager du Soleil, le lui ait signifié. Le sang de ce taureau égorgé fertilise le monde et en opposition à la fécondation de ce dernier s’affichent les forces du mal représentées par un chien (qui lèche la plaie du taureau), un scorpion (qui pince les testicules du taureau pour en absorber sa semence, parfois un crabe), le plus souvent par un serpent, de temps en temps un lion est également présent, et souvent tous sont présents sur un même relief. Le blé enfin pousse, souvent depuis la queue du taureau (parfois de sa plaie) donnant naissance ainsi à la végétation.
L’apothéose de Mithra. Le Soleil, après la tauroctonie, s’incline devant Mithra, le sauveur ; ils s’allient tous les deux, c’est la dexiôsis (poignée de main), prennent un repas de communion sur la dépouille du taureau avant que Mithra ne prenne place sur le char de Sol et s’envole (l’assomption).
L’imagerie mithriaque et les symboles
La pétrogénèse – petra genetrix
Au moment de sa naissance, Mithra tient dans une main une torche, et dans l’autre le couteau qui lui servira à tuer le taureau, parfois un arc ; il est parfois coiffé d’un bonnet phrygien, souvent placé dans le cercle du zodiaque qui représente le cosmos. Parfois Saturne domine la scène ; Saturne qui patronne le premier âge de l’humanité : aurea aetas((Renaut 2008.))- l’âge d’or.
Le miracle de l’eau – Mithra sagittarius
Cette scène apparaît principalement sur des reliefs rhénans et danubiens, mais est également attestée à Rome et à Doura-Europos((Renaut 2008.)). Sur la stèle de Neuenheim on voit Mithra tirant à l’arc contre une paroi rocheuse d’où jaillit une source((Turcan 2004, pl. 13b)) : c’est Mithra sagittarius, c’est-à-dire, Mithra qui tire à l’arc.
Le transitus – Mithra bouklopos
Cette scène apparaît parfois sur les bas-reliefs à scènes multiples et de temps en temps elle est traitée seule. On voit alors Mithra transportant le taureau sur ses épaules, la tête vers le bas comme nous le montrent les reliefs de Stockstadt am Main et de Heidelberg-Neuenheim((Hensen 2013, p. 55.)) ou celui trouvé en Slovénie et actuellement au Museo Della Civiltà Romana à Rome ou encore celui de Sidon (Colonia Aurelia Pia au Liban) au musée du Louvre.
Tauroctonie
Pour rappel, le taureau, dans le mazdéisme, passe pour être le premier être vivant créé par Ahura Mazdah((Turcan 2004, p. 104.)). Parfois Jupiter domine la scène sur les stèles de type réto-rhénan. La tauroctonie a lieu dans une grotte. Voici la description de la tauroctonie classique par F. Cumont :
« Un jeune homme appuie le genou gauche sur le garrot d’un taureau abattu sur le sol, tandis que du pied droit, posé sur le paturon, il maintient étendue en arrière la jambe droite postérieure de sa victime. De la main gauche, il lui saisit une corne ou plus souvent les naseaux, et lui relève la tête, et de la droite, il lui enfonce un large coutelas au défaut de l’épaule.((Cité par Turcan 2004, p. 47.)) »
Mithra est vêtu d’un pantalon perse (kandys), d’un bonnet phrygien ; il porte une tunique et un grand manteau accroché par une fibule et dans lequel le vent s’engouffre formant des plis en demi-cercle. De nombreux symboles ou scènes sont également présents sur les tauroctonies.
Cautès Cautopatès, les dadophores
Les dadophores sont les porteurs de torche. Cautès représente le Soleil Levant et brandit donc sa torche vers le haut ; il est parfois associé à un coq. Cautopatès représente quant à lui le Soleil Couchant et présente donc sa torche vers le bas ; une chouette lui est parfois associée.
Le corbeau est souvent présent sur les reliefs, il est le messager du Soleil indiquant à Mithra que le sacrifice du taureau doit être accompli.
Le chien, le serpent, parfois un lion s’approchent pour sucer le sang de la victime. De temps en temps un cratère autour duquel s’enroule le serpent est là pour recueillir également le sang du taureau.
Enfin, un scorpion, parfois un crabe, pince les testicules du taureau pour en absorber sa semence.
Le Soleil et la Lune sont représentés généralement sur les reliefs de tauroctonie soit en médaillon, en buste ou encore sur leur char.
Mithra pétrogène ou la tauroctonie sont parfois placés au centre d’un cercle zodiacal et de temps en temps les Vents des quatre points cardinaux (Borée, Notus, Eurus et Zéphyr) ornent les angles de la scène.
Le Dieu léontocéphale, souvent encerclé par un serpent, et appelé Ariman par les adeptes de Mithra, ne semble plus faire référence à la divinité iranienne des ténèbres (Ahriman opposé à Ahura Mazdah) et devient probablement un dieu cosmique, en relation avec le grade de Leo((Lemardelé 2008, p. 148.)).
Les principes du culte de Mithra : la liturgie
En l’absence de « bible » mithriaque, l’on sait peu de chose sur la liturgie associée à ce culte. Néanmoins, l’archéologie, l’iconographie et quelques textes tardifs nous éclairent.
Le premier élément essentiel à rappeler est le lieu où se déroule le culte, le mithraeum. Celui-ci n’est pas la maison du dieu. Il correspond à une salle, le spelaeum (la « grotte »), elle est rarement monumentale et mesure généralement une dizaine de mètres de longueur, comme le bâtiment de Marquise, celui d’Ostie ou encore le mithraeum de Lillebonne((Maniez, Merkenbreack 2017.)), avec des banquettes ou des lits (podia) sur les espaces latéraux donnant ainsi une allure de triclinium à la pièce. Dicté par le rituel et la liturgie propre au culte de Mithra, au fond du spelaeum figurait la représentation peinte ou sculptée de Mithra tauroctone. Le lieu où s’effectuent les rites, le spelaeum – la grotte, évoque peut-être le rocher d’où Mithra est né et constitue probablement une image réduite du cosmos((Renaut 2008.)).
Les rites semblent pratiqués au moins une fois par semaine, le jour de notre dimanche, et l’on peut mentionner aussi les fêtes qui, selon le moment de l’année, devaient illustrer la vie de Mithra, à commencer par sa naissance, le Natalis Solis Invicti, le 25 décembre. Les Mithrakana (devenus Mihragân), fêtées le 2 octobre, au début de l’hiver, étaient célébrées dans le culte mazdéen et zoroastrien.
La « Messe » mithriaque est visiblement en deux temps : l’enseignement (comme la catéchèse) et le repas vivifiant et régénérant, la cena((Turcan 1978, p. 156 ; Turcan 2004, p. 81.)). Ce rite en deux temps est confirmé également par plusieurs stèles bifaces dont certaines pivotent, comme celle d’Heddernheim. Durant ce repas on offre notamment le pain et l’on consomme du vin, ce qui est très similaire à l’eucharistie chrétienne((Turcan 1978, p. 148.)). Mais l’on consomme aussi différents mets durant le banquet comme le prouvent les découvertes archéologiques. Les restes des animaux consommés provenant de mithraea((Comme à la villa d’Orbe-Boscéaz, au sanctuaire de Martigny en Suisse ou celui de Tirlemont en Belgique ; Martens, De Boe 2004.)) montrent d’ailleurs que le coq prédomine.
La nature même du culte et la taille des temples impliquent nécessairement un cercle restreint d’adeptes((Van Andringa 2002, p. 200.
)). Ces derniers sont exclusivement masculins et sont des initiés répartis en différents grades associés à un astre et qui possèdent des attributs, ce que l’on sait grâce à certains textes mais également grâce à l’archéologie et notamment, pour les attributs, grâce à une très belle mosaïque d’Ostie : la mosaïque de Felicissimus qui représente les différents grades au sein du triclinium d’un mithraeum(( Hensen 2013, p. 30-31.)).
GRADE | ASTRE | ATTRIBUTS |
Pater / Père | Saturne | bonnet phrygien, bâton, anneau, faucille |
Heliodromus / émissaire du Soleil | Soleil | torche, fouet, couronne radiée |
Perses / Perse | Lune | croissant de lune avec étoile, faux, épée perse |
Leo / Lion | Jupiter | pelle à feu, sistre, foudre |
Miles / Soldat | Mars | casque, lance, pièce de bœuf, sac |
Nymphus / Fiancé, jeune époux | Vénus | lampe, diadème |
Corax / Corbeau | Mercure | caducée, coupe/gobelet |
Le détail des rites initiatiques nous est malheureusement inconnu dans sa totalité mais quelques éléments peuvent néanmoins être évoqués grâce entre autre à quelques textes dont Saint Jérôme et Tertullien ainsi qu’aux inscriptions présentes sur les fresques du mithraeum mis au jour sous l’église Santa Prisca à Rome.
Visiblement, les initiés portent des costumes (de couleurs vives) ainsi que des masques correspondant à leur grade. Le néophyte (non initié) est d’abord questionné à l’extérieur de la grotte (le plus souvent dans le pronaos, l’entrée). La langue utilisée est le grec, mais aussi le latin ainsi que probablement des formules en persan. La hiérarchie entre les grades se retrouve lors du banquet où visiblement le Pater et l’Heliodromus sont servis par les grades inférieurs((Lemardelé 2008, p. 141.)). Selon les auteurs antiques (Tertullien, Lucien), les rites du baptême (lauacrum) et de la purification sont attestés((Turcan 2004, p.85.)) pour le néophyte ; on présente ensuite à celui-ci une couronne qu’il se doit de refuser en invoquant que Mithra est sa seule couronne, ensuite, il est marqué au front ou purifié. Visiblement le non initié a les mains attachées dans le dos et les yeux bandés. Toujours est-il, un trépas fictif pour les candidats au culte est attesté. Selon les grades, durant les mystères, certains sont oint avec de l’eau, du vin ou du miel.
Selon certaines fresques l’on peut voir un néophyte (un myste) les yeux bandés, nu, assis, peut-être les mains liées dans le dos avec un personnage se tenant derrière-lui, alors qu’un autre se trouve face à lui. Cet officiant, probablement le Pater puisqu’il est coiffé du bonnet phrygien, dirige son épée vers le candidat(( Il s’agit d’une des illustrations du mithraeum de Santa Maria Capua Vetere à Capoue.
)). De nombreuses autres mentions ou illustrations existent mais l’analyse n’est pas toujours aisée et de nombreux ouvrages ou articles leur sont consacrés.
La fin du mithriacisme
En 324, l’empereur Constantin interdit de sacrifier aux idoles et de pratiquer les rites mystérieux, mais c’est vraiment l’interdiction par l’empereur Théodose en 391-392 de tous les cultes païens qui mettra fin au culte de Mithra. Celui-ci disparaît alors, même si il perdure peut-être dans quelques contrées dans le courant du Ve siècle, mais de manière anecdotique. L’interdiction du culte a pour conséquence la destruction des mithraea ainsi que des statues et stèles ce qui explique que bon nombre de statues retrouvées en fouille ne possède plus leur tête, et particulièrement le dieu léontocéphale, symbole des ténèbres. Le culte de Mithra n’a jamais vraiment concurrencé le christianisme ; la raison première étant l’absence d’ambition d’être une religion de masse et, rappelons-le, il s’agissait d’un culte exclusivement masculin, élitiste et que l’on pratiquait dans de petites sociétés secrètes((Turcan 2004, p. 116.)).
Sources:
Cumont F. V. M., Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, Vol II, H. Lamertin, Bruxelles, 1896, p. 554.
de la Bédoyère G., Roman Britain. A New History, Thames & Hudson, London, 2010.
Hensen A., Mithras. Der Mysterienkult an Limes, Rhein und Donau, Die Limesreihe – Schriften des Limesmuseums Aalen, Band 62, Darmstadt, 2013.
Gaidon-Bunuel M.-A., “Les mithraea de Septeuil et de Bordeaux”, Revue du Nord – Archéologie, 73, n° 292, 1991, p. 49-58.
Grenet F., “Mithra dieu iranien : nouvelles données”, Topoi, 11, n° 1, 2001, p. 35-58.
Lemardelé C., “Aspects du culte de Mithra : des repas rituels à la théurgie (de Mithra à Sol)”, Semitica & Classica, 1, 2008, p. 139-156.
Maniez J., Merkenbreack V., “Nouveaux apports de l’archéologie préventive à la connaissance du littoral Morin : le cas de Marquise”, Archaiologia, Presses Universitaires du Septentrion, 2017, à paraître.
Martens M., De Boe G., Roman Mithraism : the Evidence of the Small Finds, Archeologia in Vlaanderen Monographie, 4, Brussel, 2004.
Plutarque, Vies parallèles, Gallimard, traduction d’Anne-Marie Ozanam, 2001.
Renaut L., « Moïse, Pierre et Mithra, dispensateurs d’eau : figures et contre-figures du baptême dans l’art et la littérature des quatre premiers siècles », In : Foletti I., Romano S. (dir.), Baptême et baptistères, Journée d’étude, Université de Lausanne, 1er décembre 2006, Rome, 2008.
Turcan R., « Note sur la liturgie mithriaque », Revue de l’histoire des religions, 194, n° 2, 1978, p. 147-157.
Turcan R., Mithra et le mithriacisme, Les Belles Lettres, Paris, 2004.
Van Andringa W., La religion en Gaule romaine. Piété et politique (Ier-IIe siècle apr. J.-C.), Errance, Paris, 2002.
Vermaseren M.J., Corpus Inscriptionum et Monumentorum Religionis Mithriacae, Martinus Nijhoff, Den Haag, MCMLX, vol I, p. 366, fig. 1-238.
Vermaseren M.J., Corpus Inscriptionum et Monumentorum Religionis Mithriacae, Martinus Nijhoff, Den Haag, MCMLX, vol. II, 1974, p. 448, fig. 239- 663.
Walters V. J., The Cult of Mithra in the Roman Provinces of Gaul, Brill ,Leiden, 1974.
Will E., “Mithra et les astres”, Syria, 67, fasc. 2, 1990, p. 427-433.
Vincent Merkenbreack
Archéologue départemental, antiquisant, urbaniste
HALMA-IPEL, UMR 8164 (CNRS, Univ. Lille3, MCC)