Les voies romaines
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Empire romain
Si l’on demande aux gens de nos jours, quels sont les vestiges romains qui leur viennent à l’esprit, seront cités le pont du Gard, le Colisée, les amphithéâtres de Nîmes ou d’Arles, le théâtre d’Orange… Mais rares seront ceux qui spontanément évoqueront les voies romaines.
Pourtant, combien de villages se targuent d’avoir sa voie romaine ? Simple chemin de terre, route désormais goudronnée, ligne de buissons, ligne claire et rectiligne apparaissant dans des champs céréaliers ou plus évocatrice, une voie pavée. Il n’est pas de région en France qui ne prétend posséder sa « via romana » oubliant, pour une fois, l’antériorité de voies gauloises dont le réseau était déjà bien dense avant même que les légions de César ne les utilisent pour la conquête de la Gaule chevelue.
Présentation du réseau routier romain
Une source incontournable concernant le réseau des voies romaines : la table de Peutinger.
Il s’agit d’une carte schématique appelée du nom de son ancien possesseur, Conrad Peutinger humaniste allemand du 16ème siècle.
L’exemplaire qui est parvenu jusqu’à nous est une copie médiévale du 12ème ou 13ème siècle d’une carte romaine datant, elle, du 3ème et 4ème siècle p.C.
Elle se présente sous la forme d’un rouleau de parchemin formé de 11 feuilles d’une longueur de 6,80m et d’une largeur de 34cm (une 12ème feuille évoquant l’extrême ouest de l’Europe ayant disparu).
Cette carte surprend l’individu du 21ème siècle du fait de l’absence d’une échelle et surtout de la déformation des terres qui aplatissent fortement les littoraux nordiques et méditerranéens.
Passé l’effet de surprise, on se surprend à repérer la botte italienne, les embouchures du Rhône ou du Nil, les Alpes ou la Sicile… Avec un peu de chance ou de persévérance on peut même découvrir le nom d’une cité romaine proche de notre lieu d’habitation.
Si on laisse de côté les aberrations topographiques et les approximations plus que douteuses du littoral, cette table offre de précieux renseignements pratiques : les voies de communications, leurs interconnexions, les distances entre les principales cités, les relais du cursus publicus… Cette table de Peutinger, de par les informations qu’elle fournit, tient plus d’une sorte de G.P.S. « Europe » que d’une carte I.G.N. soucieuse de représenter le plus fidèlement possible sur une feuille une réalité traduite en deux dimensions et à échelle réduite.
Les trois grands types de voies romaines
D’après l’arpenteur Siculus Flacus (1er siècle p.C.), il existe trois grands types de voies romaines :
- Les via Publicae (voies prétoriennes ou consulaires) qui sont des voies publiques, construites aux frais de l’Etat et qui portent les noms de ceux qui les ont tracées. Exemple : la via Domitia (C. Domitius Ahenoberbus ) en 118 a.C. , il s’agit du 1er gouverneur de la Gaule transalpine (et nom de l’empereur Domitien comme on le croit trop souvent…). Ces voies sont d’un accès libre et des curateurs sont chargés de leur entretien.
- Les via Vicinalae (voies vicinales) ce sont les plus nombreuses et servent souvent de liaison entre les voies publiques. Elles sont construites et entretenues sous la responsabilité des Pagi (magistrats locaux) qui exigent des propriétaires d’entretenir la portion de voie qui traverse leur domaine. Elles sont aussi d’un accès libre.
- Les via Privatae (voies privées) sont des chemins privés dont l’entretien est à la charge du propriétaire et l’accès est limité (chemin de servitude) sinon l’accès est laissé à la discrétion du propriétaire.
Le réseau impérial et le réseau gallo-romain
La première voie construite par les Romains, surnommée par eux la reine des voies, fut la via Appia reliant Rome à Capoue en 312 a.C.
Puis, petit à petit, la botte italienne fut pourvue, au fil des siècles d’un véritable maillage de voies dont les plus connues sont les viae Aemilia, Aurelia, Claudia, Flaminia, Julia, Latina, Tiberina…
L’Empire, à son apogée, s’étendait des frontières de l’Ecosse à l’Irak et du Maroc à la Roumanie. Il comptait environ 150 000 km de réseau routier : on peut comparer ce chiffre avec celui de notre réseau routier français actuel, 893 000 km en 2001.
En Gaule romanisée, on compte quatre grands axes principaux partant de Lugdunum : une route vers la Germanie jusqu’à Colonia Claudia (Cologne), une route vers l’Italie vers Rome, une route vers l’île de Bretagne via Portius Itius (Boulogne) et la via Agrippa qui se dirige plein ouest vers Mediolanum Santonum (Saintes) ou Burdigala (Bordeaux).
Un exemple de tracé d’une via Agrippa.
Ce que l’on appelle communément « Via Agrippa » est en fait un réseau de voies romaines en Gaule mis en place par Agrippa le gendre et ami de l’empereur Auguste. Selon le géographe Strabon, Agrippa a choisi Lugdunum pour en faire le point de départ des grands chemins de la Gaule lesquels sont au nombre de quatre :
- Une voie en direction de l’Aquitaine et du pays des santons (Saintes)
- Une voie en direction du Rhin (Langres et Trèves)
- Une voie en direction de la province narbonnaise (Arles et Marseille)
- Une voie, enfin, dite vers l’océan et plus précisément vers la mer de Nord (Autun et Amiens).
Cette dernière, appelée Via Agrippa de l’océan peut être considérée comme l’axe principal et stratégique reliant la province de Bretagne (Grande Bretagne actuelle) à Rome via la capitale des Gaules, Lugdunum.
La Bretagne était connue de tout temps pour disposer d’importantes mines sources d’étain (métal indispensable pour la fabrication du bronze qui est un alliage de cuivre et d’étain).
Cette véritable route de l’étain, démarrait donc de Lugdunum mais possédait toute une série d’embranchements et de recoupements qui rendent son tracé relativement incertain. Cependant, des études récentes tendent à dégager un axe dominant :
Lugdunum (Lyon), Cavillorum (Chalons sur Saône), Augustodunum (Autun) dont la via Agrippa constitue aussi le cardo maximus, Autessiodurum (Auxerre), Agedincum (Sens), Lantinum (Meaux), Augustomagus (Senlis), Samarobriva (Amiens) et Gesioracum (Boulogne-sur-Mer).
Construction d’une voie romaine
Le traçage
Les voies romaines se caractérisent chaque fois que cela est possible par leur tracé rectiligne : exemple la voie qui relie Bavay dans le Nord à Tongres en Belgique est toute droite sur 70 km !
Les traités gromatiques sont particulièrement éclairants sur le sujet. L’agri mensura appelée aussi ars metendi agris est pour les romains tout autant une science qu’un art et ils n’échappent pas à l’influence pythagoricienne des philosophes mathématiciens qui prônent “l’amour” de la ligne droite, de la perpendiculaire et du carré dans lesquels ils voient la victoire de l’intelligence humaine domptant les “caprices” de la Nature.
Mais il ne s’agit là que de la théorie car, confronté à la réalité du terrain (relief, obstacles naturels ou proximité d’une voie de communication terrestre ou fluviale), l’agrimensor s’adapte selon les besoins.
L’utilisation par l’agrimensor d’une groma permet l’alignement de jalons sur de longues distances ce qui assure la rectitude de la voie.
Une fois le tracé établi, les ouvriers procèdent au débroussaillage : les arbustes et des buissons sont brûlés. La zone ainsi nettoyée est décapée à la pioche et à la pelle jusqu’au sol naturel, donnant ainsi naissance à une tranchée.
La structure interne
En fonction de la nature du sol et des matériaux à disposition, la structure interne peut différer notablement ainsi, suivant les régions, pierres calcaires, galets, cailloux, silex, graviers… constitueront le matériau de base, le tout lié par de l’argile ou du sable.
Toujours suivant les régions et la nature des sols, l’épaisseur de la structure interne peut varier, en général de 40cm à un peu plus d’un mètre.
En fait, comme le souligne l’archéologue Gérard Coulon, les constructeurs s’adaptent à l’environnement géologique et puisent dans les ressources locales des zones traversées (bon sens et économie prévalent).
Le revêtement
Il existe plusieurs types de revêtement sur les voies romaines :
– Les voies dallées qui sont composées de pierres de grandes dimensions, de faible épaisseur et possédant une surface plane.
– Les voies pavées constituées de pierres cubiques d’une surface inférieure aux dalles mais d’une épaisseur plus importante.
– Les chaussées empierrées dont la surface de roulement est garnie de petites pierres compactées.
– Enfin, nombre de revêtements sont constitués de graviers ou de terre battue.
La répartition de ces différents types de revêtements correspond presque toujours au lieu sur lequel ils se trouvent. Ainsi, les voies dallées ou pavées se retrouvent dans les cités ou leurs abords immédiats tandis que les autres types de revêtements prédominent dans les zones rurales.
Les voies dallées et les routes pavées ne vont pas sans poser quelques problèmes :
- Plus chères et plus délicates à poser
- Plus sensibles à l’usure (les roues de chariots sont cerclées de fer)
- Moins confortables au roulage
- Plus dangereuses pour les sabots des chevaux ou pour les chaussures cloutées (caligae des légionnaires)
- Plus délicat à réparer et à entretenir
Elles sont cependant indispensables dans certains cas :
- En ville, elles produisent beaucoup moins de poussière et sont plus facile à nettoyer
- Elles évitent (ou en tous cas limitent fortement) la boue et les ornières
- Dans certaines zones de terrain meuble ou dans les fortes montées, elles sont indispensables.
- Enfin, question de « prestige » l’entrée d’une cité dallée ou pavée impressionne plus favorablement le voyageur…
Largeurs, formes et dimensions
La forme bombée de la chaussée permet l’écoulement sur les bas-côtés des eaux de pluies. Les sillons creusés de part et d’autre de la chaussée constituent le premier travail permettant de matérialiser l’itinéraire sur le terrain.
La largeur varie suivant le type de voie ; même si on ne peut pas parler de standardisation absolue, on remarque fréquemment des largeurs « types ».
La largeur la plus courante des viae publicae est de 20 pieds soit pratiquement 6m et permettait le croisement de deux voitures. La largeur la plus importante relevée par les archéologues en France correspond à un tronçon de la Via Agrippa, elle est de 23 pieds soit (6,81m). Ce sont sur les voies privées que l’on trouve les largeurs les plus variées pouvant même atteindre la largeur d’un sentier (double pas, soit 1,48m).
Infrastructures des voies romaines
Les ouvrages d’art
Ils ont pour objectif de permettre de franchir les obstacles qui ne peuvent être contournés.
– Les tunnels : relativement rares sauf dans des régions montagneuses où ils sont considérés comme indispensables, la plupart des tunnels creusés dans l’Antiquité l’étaient pour les aqueducs. Moins larges et moins hauts, ils étaient plus faciles à percer et permettaient une pente de l’aqueduc régulière et suffisante à l’écoulement des eaux, élément primordial à leur bon fonctionnement.
Le plus souvent, dans les régions au relief accidenté, les romains préféraient percer un passage taillé plutôt que d’avoir recours à un tunnel routier.
– Les ponts : même si la plupart du temps, un franchissement de cours d’eau se réalisait par l’intermédiaire de bacs, voire de passage à gué (si les conditions le permettent), la largeur d’un fleuve, l’encaissement d’une rivière, la violence du courant, imposent la construction d’un pont.
Domaine dans lequel ils excellaient, les romains ont réalisés d’admirables ponts : on pense spontanément au célèbre Pont du Gard en oubliant un peu vite qu’il fut un ouvrage d’art destiné exclusivement au passage de l’eau (pont aqueduc) et qu’il ne devint un pont routier qu’au Moyen Age (ce qui lui permis d’ailleurs, étant entretenu régulièrement, de franchir allègrement les presque 20 siècles qui séparent sa construction de notre époque).
L’un des ponts les plus spectaculaires jamais réalisés par les légions romaines fut celui élaboré par l’ingénieur Apollodore de Damas sur la Danube. C’était un pont avec des piles de pierre et un tablier de bois, avec des travées de 57 m. Ses dimensions : 1 135 m de longueur, 45 m de hauteur et 20 m de largeur. De cet ouvrage colossal, il ne reste malheureusement qu’un pilier en pierre sur une des rives du Danube.
– Enfin, il existait des ponts de bateaux qui permettaient à la fois la circulation terrestre (franchissement du pont) et fluvial (passage de bateaux)
L’exemple le plus remarquable est certainement le pont d’Arelate :
Les bornes milliaires
Les bornes milliaires : ces colonnes de pierres d’une hauteur variant généralement entre 1,50m et 3m sont les véritables ancêtres de nos bornes kilométriques. D’un diamètre compris entre 50 et 80 cm, elles jalonnaient les voies romaines tous les milles romains (1481 m) ou, dans le nord de la Gaule et en Germanie toutes les lieues gauloises (2 222 m ou 1,5 mille romain).
Ces bornes milliaires indiquaient les distances entre le point où elles sont implantées et la cité la plus proche dans les deux directions. Sur leur partie supérieure, on trouve un texte en lettres capitales gravé et peint en rouge à hauteur de lecture d’un voyageur à cheval. Cette inscription mentionne le nom de l’empereur qui a fait construire la route ou décrété sa réfection, suit sa titulature en abrégé (c’est-à-dire tous ses titres honorifiques).
Pour positionner correctement les bornes milliaires, les romains disposaient d’un odomètre (appareil monté sur un chariot et disposant d’engrenages permettant de faire tomber une bille dans un réservoir après un tour complet d’une roue dentée ce qui correspondait très précisément à mille pas). Cet appareil nous est connu car il est décrit longuement dans le De Architectura de l’ingénieur romain Vitruve.
Il existe aussi dans les villes des indicateurs routiers sous forme de plaques de marbre et qui informent sur les différents itinéraires, les stations sur le parcours et les distances.
Les stationes : gîtes et relais
Sur les voies publiques, on distingue deux types d’infrastructures destinées à une halte plus ou moins prolongée :
- les mutatio sont des gîtes d’étape disposés tous les 20 à 30 km qui permettent de se reposer, de se rafraîchir et éventuellement de changer de monture.
- Les mensio (6 à 8 fois moins nombreux) sont de véritables relais bien équipés, avec une auberge pour la nuit, une étable pour les équidés, une forte capacité de stockage et même un maréchal ferrant, un charron voire un vétérinaire. On les trouve tous les 30 à 50 km (variable, surtout en Orient, en fonction de la proximité immédiate de points d’eau).
Les infrastructures sont à la charge des municipalités sur le territoire desquelles elles se trouvent tandis que le matériel, les bêtes (en moyenne 40 chevaux publics – equiti publici– par mensio et 20 par mutatio) et les fonctionnaires sont à la charge de l’Etat et sont dirigés par des mancipes préposés à la gestion des relais.
On peut faire la distinction entre la fonction relais du cursus publicus, fiable et efficace et la partie tabernae (auberge privée) située à côté des relais qui pouvait dans certains endroits cumuler les problèmes : prostitution fréquente, clientèle peu fréquentable, cuisine grossière avec des viandes trop grasses et un vin fortement coupé d’eau… Tout cela poussait les voyageurs aisés à se faire inviter chez une personne privée par lettre d’introduction en pratiquant l’hospitium.
L’utilisation des voies romaines
L’utilisation « administrative » des voies : légions et courrier impérial
- Le déplacement des légions : l’une des raisons qui ont poussé la République puis l’Empire à construire des viae publicae est le déplacement des légions ; sur un aussi vaste empire, les armées doivent pouvoir se déplacer le plus rapidement rapide, or, une légion en marche comporte 5000 légionnaires sans compter les valets d’armes, les mules, les chevaux et les chariots tractés par des boeufs le tout étendu sur parfois plus de 10 km. La vitesse de déplacement d’une légion au complet oscille entre trois et quatre km/h pas plus. Les marches forcées peuvent être plus rapide mais dans ces conditions, l’impedimenta ne suit plus. L’intérêt principal des voies publiques lorsqu’elles sont correctement entretenues est de permettre une avancée « normale » des légions notamment sans flaques boueuses provoquant des ornières fatales aux lourds chariots, inconvénient problématique sur des chemins classiques pendant les périodes pluvieuses.
- A partir d’Auguste, un service des postes de l’administration impériale voit le jour sur les plus importantes voies publiques : les courriers du Cursus Publicus appelés tabellarii ou speculatores parcourent en moyenne 75 km par jour en profitant du système de relais pour changer de monture. Ils reçoivent une evectio (autorisation officielle donné par l’empereur et au compte goutte par les gouverneurs qui doivent rendre compte à l’empereur) ainsi qu’un diploma (sauf-conduit permettant l’utilisation gratuite des services). Exceptionnellement, ces courriers peuvent parcourir des distances plus importantes comme en 69 p.C. un courrier qui franchit les 108 milles romains séparant Cologne de Mayence en 12 heures à peine ce qui donne une moyenne de 13,5km/H.
- Les voies romaines disposaient de leur police de la route : le plus souvent, ce sont des bénéficiaires c’est-à-dire des légionnaires (1 solde ½ ou double solde et exemptés de corvées) qui sont détachés de la légion sur des points de passage stratégiques ou sur des stations routières importantes. Cette situation est quasi systématique en Germanie ou dans des régions proches du Limes où sont positionnées presque toutes les légions. Pour le reste du territoire de l’Empire ce sont probablement des soldats auxiliaires ou des gardes locales qui dépendent d’un préfet à la répression du banditisme.
Les commerçants et les voyageurs
Si de nombreux commerçants fréquentent les voies terrestres, pour de longs trajets, la plupart des marchandises prenaient, chaque fois que cela était possible, la voie fluviale, plus pratique et moins chère. On apprend par l’édit de Dioclétien que le transport fluvial était entre 5 et 10 fois moins cher que le transport terrestre et que le transport maritime était, lui, de 25 à 50 fois moins cher.
Une exception notable et amusante : Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle (X, 22, 53) nous apprend que des troupeaux d’oies font « à patte » le voyage depuis le pays des Morins (actuel Pas-de-Calais) jusqu’aux marchés de Rome.
L’insécurité régnant à certaines époques et sur certaines routes (troupes de Brigands) explique aussi la préférence du transport fluvial plus sûr.
Quant aux voyageurs, pèlerins ou touristes, ils préfèrent dès que possible voyager en groupe afin de pouvoir se défendre mutuellement en cas d’attaque de voleurs. Les voyageurs les plus riches n’hésitent pas à se déplacer avec leurs esclaves voire parfois avec d’anciens gladiateurs recrutés comme gardes du corps.
Les véhicules
Les romains utilisaient plusieurs types de véhicules hippomobiles à deux ou quatre roues, tractés par des chevaux, des ânes, des mulets ou par des boeufs pour les chariots les plus lourds.
La terminologie des différents types de véhicules est assez confuse tant les noms recouvrent des réalités proches. On peut citer en vrac les rhedae, carpenta birotae, caruca, clabulae, petoritum, cisium, essedum, plaustrum, benna, carpentum, carri…
Cependant, on peut distinguer les principales catégories :
– les véhicules de transport de personnes à deux ou quatre roues tels les rhedae ou caruca.
– Enfin, il existait un type de véhicule particulier, peu rapide mais singulièrement confortable : la lectica ou litière qui était l’apanage des plus riches…
Les aléas de la circulation
La circulation sur les voies romaines est exclusivement diurne, dans ces conditions, il est difficile de dépasser une moyenne de 20 milles romains/jour soit (35 km). Si les conditions sont exceptionnellement favorables, on peut parcourir une distance plus longue, mais le plus souvent, les conditions météorologiques, les incidents ou accidents peuvent ralentir considérablement la moyenne.
- Les intempéries et l’état des routes : pluies, inondations, neige, ont des conséquences sur les infrastructures des voies et donc un retentissement réel sur la durée du voyage. Une crue soudaine et un passage à gué devient impossible obligeant les voyageurs à se détourner vers le 1er pont quelquefois fort éloigné. Des pluies torrentielles peuvent entraîner des glissements de terrains et couper les communications, idem avec la neige.
Finalement, ce sont les mêmes problèmes que de nos jours mais avec des moyens pour les résoudre bien moindre et moins d’incidences médiatiques. - Les accidents : point d’airbag ni de roue de secours, certes, la vitesse très faible limite les risques mais une roue brisée, un cheval blessé ou un voyageur avec une belle entorse de la cheville sur une voie peu fréquentée en toute fin d’après-midi et c’est une nuit à la belle étoile qui peut s’avérer problématique l’hiver par grand froid ou avec des brigands traînant dans les parages.
- Les actes de brigandages : les voies romaines n’ont jamais été réputées pour leur sûreté. Nombreux sont les brigands de grands chemins qui sèment la terreur dans certaines régions. Si, comme le souligne Juvénal dans ses satires : « le voyageur dont la poche est vide chantera au nez des voleurs », les lettres de change n’existant pas encore, certains commerçants se déplaçaient avec des sommes parfois importantes pour leurs frais de déplacement ou pour leurs affaires. L’une des conséquences de cette insécurité : les voyageurs à cheval circulaient sur la partie gauche de la voie afin de pouvoir dégainer leur glaive et combattre plus facilement un ennemi potentiel arrivant en face (les britanniques ont gardé ce sens de circulation « romain » tandis que sous l’impulsion de Napoléon, l’Europe adoptait la circulation à droite).
Conclusion
Rome a conquis un vaste empire par les armes et par la diplomatie et elle l’a conservé par ce qu’elle a pu apporter de « mieux » aux populations indigènes. Si une certaine élite sociale a profité des bienfaits du confort à la romaine (domus avec hypocauste, thermes publics, aqueducs amenant l’eau courante…) les voies romaines furent au bénéfice de tous.
Cependant, le rôle essentiel aux yeux du pouvoir de ce réseau est d’acheminer vers Rome le plus rapidement possible des nouvelles fraîches des quatre coins de l’Empire grâce au cursus publicus et aux relais fréquents sur les voies publiques.
On retrouve un système analogue de courrier impérial dans une civilisation fort éloignée géographiquement et culturellement de l’empire romain :
La civilisation inca possédait elle aussi un réseau routier étendu bien que moins dense (environ 25 000 km contre 150 000 km) où la capitale, Cuzco, était reliée aux point les plus éloignés de l’empire par des routes disposant de relais où les chasquis (messagers) du tambos (service de poste de l’inca) portaient en courant des informations au sapa inca (empereur).
De fortes similitudes de fonctionnement alors que contrairement aux romains les incas ne connaissaient ni la roue ni l’écriture et ne possédaient pas de chevaux…
Enfin, il convient de signaler que les voies romaines ont longtemps survécu à l’Empire puisqu’elles ont servi de réseau routier principal bien au-delà de la période médiévale.
De nos jours, ces voies, quand elles ont subsisté, ne sont que des vestiges servant aux promeneurs ou, exceptionnellement aux coureurs cyclistes du Paris Roubaix qui connaissent chaque année l’enfer des pavés (romains) du nord lorsqu’ils franchissent, trépides, la trouée d’Aremberg ou le carrefour de l’arbre.