Lucius Acilius Strabo, légat de la VIII ?

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Préteur en Cyrénaïque

Un texte de Tacite nous révèle la première étape du cursus sénatorial de Lucius Acilius Strabo :

« Pédius Blésus perdit aussi le rang de sénateur, accusé par les Cyrénéens d’avoir violé le trésor d’Esculape, et cédé, dans la levée des soldats, à la double corruption de la brigue et de l’or. Le même peuple poursuivait Acilius Strabo ancien préteur, envoyé par Claude pour régler la propriété de plusieurs domaines possédés autrefois par le roi Apion, et que ce prince avait laissés, avec ses États, au peuple romain. Les propriétaires voisins les avaient envahis, et ils se prévalaient d’une usurpation longtemps tolérée, comme d’un titre légitime. En prononçant contre eux, le juge souleva les esprits contre lui-même. Le sénat répondit aux Cyrénéens qu’il ignorait les ordres de Claude, et qu’il fallait consulter le prince, Néron, approuvant le jugement d’Acilius, écrivit néanmoins que, par égard pour les alliés, il leur faisait don de ce qu’ils avaient usurpé. » ( Tacite, Annales, 14,18) ((TACITE, Annales [14,18] « Motus senatu et Pedius Blaesus, accusantibus Cyrenensibus uiolatum ab eo thesaurum Aesculapii dilectumque militarem pretio et ambitione corruptum. idem Cyrenenses reum agebant Acilium Strabonem, praetoria potestate usum et missum disceptatorem a Claudio agrorum, quos regis Apionis quondam auitos et populo Romano cum regno relictos proximus quisque possessor inuaserat, diutinaque licentia et iniuria quasi iure et aequo nitebantur. igitur abiudicatis agris orta aduersus iudicem inuidia; et senatus ignota sibi esse mandata Claudii et consulendum principem respondit. Nero, probata Strabonis sententia, se nihilo minus subuenire sociis et usurpata concedere rescripsit»)).

Claude expédie un de ses préteurs, Acilius Strabo, en Cyrénaïque (Libye) pour régler un gros litige: des familles occupent les terres léguées à Rome par Ptolémée Apion ( roi de Cyrène mort en 96 av. J.-C.). Ces paysans travaillent, en toute illégalité au yeux de Claude, les sols de l’ager publicus pour les mettre en valeur. Depuis plus d’un siècle, ils développent tout un réseau d’irrigation et font vivre une grande majorité de la population de Cyrénaïque.
Pourtant, Strabo doit les chasser et restituer les propriétés occupées à leur légitime propriétaire, Rome ((Dennis KEHOE, Private and Imperial management of Roman Estates in North Africa, Law and History Review, Vol.2, n°2, Autumn 1984, pp.241-263. ))
Trois inscriptions corroborent le récit de Tacite et soulignent le jugement de Strabo, avalisé une première fois par Claude (première épigraphe) puis une deuxième fois par Néron (pour les deux autres épigraphes) :

Inscriptions
[Ti(berius) Claudius] / Caesa[r Augustus] / Ger[manicus] / [6] / [6] / [6] / [6] / [6] / per L(ucium) Ac[ili]um Str[a]/bonem l[e]gatum suum / praedia [a] privatis / poss[3]ES[3]RES[3]TI / [3]tuit [((AE 1974, 00682b. Cyrenaica, Beit Thamir.)) Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus ( la titulature de Claude) par son légat Lucius Acilius Strabo restitue au peuple romain les propriétés occupées de leur propre initiative par des particuliers ( ?).
[Nero] Claudius divi / [Clau]di f(ilius) Ger(manicus) Caesaris / [n(epos)] Ti(beri) Caesaris Aug[u]st[i] / [pr(onepos) div]i Aug(usti) abn(epos) Caesar Aug(ustus) / [G]ermanic<u=O>s pontif(ex) / max(imus) trib(unicia) pot(estate) imp(erator) {o}c(on)s(ul)() / per L(ucium) Acilium Strabonem / leg(atum) suum fines occu/[p]atos a privatis p(opulo) R(omano) res/[ti]tuit((AE 1934, 00260 = AE 1939, +00305. Cyrenaica, Gasr Taurguni.)) Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus Imperator (Néron), fils du divin Claudius petit-fils de Germanicus Caesar, arrière-petit-fils de Tiberius Caesar Augustus, arrière-petit-fils (au 4e degré) du divin Auguste, grand Pontife, investi de la puissance tribunitienne pour la ( ?) fois, consul pour la (?)fois, par son légat Lucius Acilius Strabo, restitue au peuple romain ses limites de champs occupées de leur propre initiative (illégalement).
[Nero Claudius] / [divi Claudi f(ilius)] Germanici Cae/saris nep(os) [Ti(beri) Caes(aris)] / Aug(usti) pron(epos) div[i] Aug(usti) abn(epos) Caes[ar] / Aug(ustus) Germani[cus] / Imp(erator) per L(ucium) Acil[ium] / Strabonem l[egatum] / suum fines [oc]/cupatos a priv[atis] / p(opulo) R(omano) restituit{t} // [((AE 1995, 01633. Cyrenaica, Susah, Apollonia.)) Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus Imperator (Néron), fils du divin Claudius petit-fils de Germanicus Caesar, arrière-petit-fils de Tiberius Caesar Augustus, arrière-petit-fils (au 4e degré) du divin Auguste, par son légat Lucius Acilius Strabo, restitue au peuple romain ses limites de champs occupées de leur propre initiative (illégalement).

Légat de la VIII Augusta ou légat de Germanie supérieure ?

CIL XIII, 07709= D 03456. Germania superior, vallée de la Brolh.
Herculi Saxsano / sacrum Iulius Vi/ctor /(centurio) pro se et co(m)/militones(!) si/ngulares pedite/s Acili Strabonis / leg(ati) Aug(usti) v(otum) s(olverunt) l(ibentes) m(erito)
A Hercule carrier (Saxsanus), de la part du centurion Julius Victor, pour lui-même et ses soldats de la garde à pied du légat Acilius Strabo. Ils se sont acquittés de leur vœu de bon gré, comme de juste.

Julius Victor ? Des éléments de la legio VIII Augusta occupent la place d’Heilbron-Böckingen. Ce fort appartient à la portion du limes du moyen Neckar, mis en place au moment de la conquête des « Champs Décumates » sous le principat de Domitien. Là, un Julius Victor, centurion homonyme du précédent, s’acquitte d’un vœu et il pourrait bien s’agir du même centurion :

CIL XIII, 06473.Germania superior. Heilbronn
I(ovi) O(ptimo) M(aximo) / Iul(ius) Vict[o]r / |(centurio) leg(ionis) VII[I] / Aug(ustae) / [
A Jupiter très bon très grand, Julius Victor, centurion de la légion VIII Augusta.

D’après ces deux épigraphes le légat Lucius Acilius Strabo servait en Germanie mais le premier ex-voto ne nous précise pas la nature de sa légation: commandait-il la VIIIe Augusta à laquelle aurait appartenu Julius Victor ou gouvernait-il la province de Germanie supérieure ? La fonction de « singulares », ne nous permet pas de trancher entre les deux hypothèses. Ces gardes du corps apparaissent à l’époque flavienne et servent aussi bien les légats de légion que les légats gouverneurs de province ((M.P. SPEIDEL, Guards of the roman Armies. An Essay on the singulars of the Provinces. Bonn, 1978. X- 149 p. (Antiquitas, I, 28).)).

Le consulat

Um]midi[us 3] / [Imp(erator) Caesar Vespasianus Aug(ustus) VIIII T]itus Caesar [Aug(usti) f(ilius) VII] / [Caesar Domit(ianus) Au]g(usti) f(ilius) VI( donc en79 ) / [P(ublius) Calvisius Ruso L(ucius) Iunius Caese]nnius Paetus / [T(itus) Rubrius Aelius Nepos] M(arcus) Arrius Flaccus / [Imp(erator) T(itus) Aug(ustus) VIII] Caesar Domit(ianus) VII (soit en 80 ) / [A(ulus) Didius Gallus Fabricius Veiento II L(ucius) Aelius Plautius Lam]ia Aelianus / [L(ucius) Aelius Plautius Lamia Aelianus Q(uintus) Aurelius Pac]tumedius Fronto / [L(ucius) Aelius Plautius Lamia Aelianus C(aius) Marius Marcellus Oc]tavius Rufus / [3] Q(uintus) Pompeius Trio / [Sex(tus) Neranius Capi]to L(ucius) Acilius Strabo / [M(arcus) Tittius Frugi] M(arcus) Vinicius Iulius Rufus / [L(ucius) Flavius Silva Nonius Bassus] M(arcus) Asinius Pollio Verruc(osus) / [M(arcus) Roscius C]oelius C(aius) Iulius Iuvenalis / [T(itus) Iunius M]ontan(us) L(ucius) Iulius Vett(ius) Paullus / [T(itus) Tettienus] Seren(us) C(aius) Natta Pinarianus / [L(ucius) Carminius Lusitanic]us M(arcus) Petronius Umbrin(us) / [T(itus) Turpilius Dexter] M(arcus) Maecius Rufus / [Imp(erator) Domitianus Caesar Aug(ustus) VIII] T(itus) Flavius Sabinus (soit en 81 ) / [3 L(ucius) Sal]vius Otho Coc[ceian(us)] / [3 M(anius) Acili]us Avio[la((AE 1998, 00419. Picenum. San Severino Marche, Septempeda.))

Cette inscription se date par le huitième consulat de Titus et le septième consulat de Domitien soit de l’année 80, c’est à dire sous le principat de Titus.
Lucius Acilius Strabo aurait donc été consul suffect en 80, aux côtés de Sextus Neranius Capito, sous le consulat conjoint de Gaius Vipstanus et de Caius Fonteius.

Date et nature de sa légation

Si nous admettons que les deux Julius Victor ne forment qu’un seul et même personnage, nous pouvons poser deux hypothèses. Elles diffèrent l’une de l’autre en fonction de la place que nous assignons au consulat de Strabo :

  • Première hypothèse : Lucius Acilius Strabo fut un des légats de la VIIIe Augusta. Ce poste pourrait très bien s’inscrire dans son cursus prétorien avant son consulat suffect, vraisemblablement entre 73 et 80 ((W. ECK, Die Statthalter der germanishen Provinezn vom 1-3 Jarrhundert, pp.139-140. Bonn, 1985. XII – 282 pp ( . Epigraphische Studien, 14).)), donc à Mirebeau
  • Deuxième hypothèse: Strabo gouvernait la province de Germanie supérieure en tant que légat Augusti pro praetore (ce que l’inscription ne mentionne pas) avec la responsabilité de deux légions, la VIIIe Augusta d’Argentorate et la XXII Primigenia de Mayence. Comme l’Empereur choisit ses légats parmi les anciens consuls, cette légation ne pourrait intervenir que pendant les « années Domitien », après la création des deux provinces consulaires de Germanie inférieure (les Pays Bas) et de Germanie supérieure, soit dans les années 90.

Auteur : Legion VIII Augusta

Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.

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