Aulus Bucius Lappius Maximus

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En l’absence de toute grande dédicace, comme celles de Curiatius Maternus ou d’Antistius Rusticus nous ignorons la plus grande partie du cursus prétorien de Lappius Maximus.

Légat de la VIII Augusta ?

La mention d’un légat du nom de Lappius ((AE, 1973, 0359b)) apparaît sur les tuiles du camp de Mirebeau-sur-Bèze :

LEG(IO) VIII AVG(VSTA) LAPPIO LEG(ATO) ((Mais aussi , CIL, XIII, 12173,16 = AE, 1995, 1147. CIL, XIII, 12173,17 = AE, 1995, 1147. CIL, XIII, 12173,18 = AE, 1995, 1147).))

révélant la légation d’Aulus Bucius Lappius Maximus à la tête de la VIIIe Augusta , dans les années 73-75 ou 76-78 ((René GOGUEY et Michel REDDÉ, Le camp légionnaire de Mirebeau, RGSM 36, Mayence, 1995. Ces deux auteurs soulignent la qualité du recrutement des légats de la VIII, pendant l’ère flavienne, puisque cinq d’entre eux deviennent gouverneurs consulaires et exercent d’importantes fonctions et responsabilités militaires.)).
Lappius fait ensuite partie du « Consilium Principis » de Titus ((John DEVERCKER, La continuité dans le Consilium Principis sous les Flaviens , Ancient Society, 8, 1977, pp 223-243.)).
Domitien choisit ses proconsuls parmi les anciens légats de légion, habitués aux charges impériales. Il ne les recrute pas, comme le faisait son père Vespasien, dans l’aristocratie sénatoriale traditionnelle ce qui peut éclairer l’hostilité d’une partie de cette classe à son encontre ((René GOGUEY et Michel REDDÉ, Le camp légionnaire de Mirebeau, RGSM 36, Mayence, 1995. Ces deux auteurs soulignent la qualité du recrutement des légats de la VIII, pendant l’ère flavienne, puisque cinq d’entre eux deviennent gouverneurs consulaires et exercent d’importantes fonctions et responsabilités militaires.)).
Ainsi, Aulus Bucius Lappius Maximus parvient-il au gouvernement d’une province impériale consulaire, celle de Pont-Bythinie, puis au consulat.

Proconsul de Pont-Bythinie (83- 84) puis consul (86)

Pline expose à Trajan les tenants d’une vieille histoire, « l’affaire Archippus ». Dans son courrier, il mentionne deux lettres de Domitien adressées aux deux proconsuls successifs de Pont-Bythinie, la première à Térence Maxime et la seconde à Lappius Maximus :

Flavius Archippus, philosophe, a obtenu de moi qu’on lui achetât aux environs de Pruse, sa patrie, une terre de six cent mille sesterces, avec le revenu de laquelle il pût nourrir sa famille. Je vous ordonne de lui faire payer cette somme, et de la porter en dépense dans le compte de mes libéralités ». (Lettre de Domitien à Térence Maxime, Pline, « X, 66) ((Flauius Archippus philosophus impetrauit a me, ut agrum ei DC circa Prusiadam, patriam suam, emi iuberem, cuius reditu suos alere posset. Quod ei praestari uolo. Summam expensam liberalitati meae feres. ( Pline, X, 66, Epistula Domitiani ad Terentium Maximum) (gouverneur de 87/89?).)).

 

Je vous recommande Archippus, philosophe, homme de bien, qui n’est point au-dessous de sa profession, et qui soutiendrait même une plus grande élévation. Accordez-lui, mon cher Maxime, une entière bienveillance pour toutes les demandes raisonnables qu’il pourra vous adresser ». (Pline, X, 66, Lettre de Domitien à Lucius Lappius Maximus) ((Archippum philosophum, bonum uirum et professioni suae etiam moribus respondentem, commendatum habeas uelim, mi Maxime, et plenam ei humanitatem tuam praestes in iis, quae uerecunde a te desiderauerit. (Pline, X, 66, Epistula Domitiani ad Lappium Maximum ).)).

Lappius aurait donc exercé les fonctions de proconsul de Pont-Bythinie, dans les années 83-84, avant de devenir consul suffect, en septembre 86 ((Fasti Ostienses, Inscr. Ital., XIII, 1, pp .194-195)).

Légat de Germanie inférieure en 89

Nous le retrouvons, quelques années plus tard, gouverneur de la Germanie inférieure quand son collègue, Lucius Antonius Saturninus , légat de Germanie supérieure, soulève les deux légions de Mayence- la XIX Gemina et la XXI Rapax. L’insurrection commence à la fin de l’année 88 ou dans les premiers jours de janvier 89 ((R. SYME, Antonius Saturninus, JRS, LXVIII, 1978, pp.12-21.)).
Les choses vont très vite, Lappius Maximus dispose de la I Minervia ( Bonne) et de la VI Victrix (Novaesium). Il n’attend même pas les renforts qui arrivent d’Espagne, ceux de Trajan et sa VIIe Gemina, et de Rome, ceux de Domitien lui-même à la tête de ses prétoriens. A la mi janvier, Lappius écrase les troupes dissidentes à la jonction des deux Germanies, entre Coblence et Bonn, sur la rive gauche du Rhin. Saturninus meurt dans cet affrontement entre « rebelles » et « loyalistes ».

[—]lliae / [—]appi Maximi, / bis co(n)s(ulis)/ confectoris / belli / Germanici ((CIL, VI, 1347 = ILS, 1006= VI, 37049, Rome, extra portam Flaminiam)) « —- Lappius Maximus, deux fois consul, qui met fin ((confectoris)) aux guerres de Germanie »

Lappius et Norbanus, deux personnages distincts !

Un épigramme de Martial ((Cum tua sacrilegos contra, Norbane, furores staret pro domino Caesare sancta fides, haec ego Pieria ludebam tutus in umbra, ille tuae cultor notus amicitiae. me tibi Vindelicis Raetus narrabat in oris nescia nec nostri nominis Arctos erat: o quotiens ueterem non inficiatus amicum dixisti ‘Meus est iste poeta, meus!’ omne tibi nostrum quod bis trieteride iuncta ante dabat lector, nunc dabit auctor opus. (Martial, Epigrammes, IX, LXXXV. A Nornabus).)) fait allusion à ces événements et s’adresse à Norbanus :

« Alors que, pieusement fidèle à César, tu te tenais, Norbanus, devant lui pour le défendre contre des fureurs sacrilèges, moi, bien à l’abri, à l’ombre chère aux poètes, moi profiteur notoire de ton amitié, je m’amusais à écrire ces vers. Au pays des Vindélices on te racontait que j’étais mort. Ainsi le Nord n’ignorait plus mon nom.
Oh ! que de fois, songeant à ton ancien ami, t’es-tu dit : « C’est lui, c’est mon poète ! » Ces poésies que le lecteur, pendant six ans, n’a offertes que par bribes à ton oreille, l’auteur t’en offre aujourd’hui le recueil. » ((Martial, IX, LXXXV, A NORBANUS)) .

De même, un passage de l’Epitomé de Caesaribus (([9) His eius saevitiis ac maxime iniuria verborum, qua scortum vocari dolebat, accensus Antonius, curans Germaniam superiorem, imperium corripuit. [10] Quo per Norbanum <et> Lappium acie strato Domitianus longe tetrior in omne hominum genus, etiam in suos, ferarum more grassabatur. (Epitome De Caesaribus, 11, 9-10).)) mentionne un Norbanus Appius :

« Les cruautés de Domitien, et surtout le nom injurieux de prostituée, qu’il donnait à Antonius, gouverneur de la haute Germanie, enflammèrent le courroux de ce dernier, qui voulut usurper l’empire. Mais Norbanus< et ?> Lappius ((H. NESSELHAUF, Zur Geschichte des obergermanischen Heeres, Jahrb. RGZM 7, 1960, 165, n°22. Cet auteur propose de lire dans ce passage de l’Epitome de Caesaribus « per Norbanum et Lappium »)) le vainquit(rent ?), pour l’empereur, en bataille rangée; et dès lors Domitien, redoublant de barbarie, se déchaînait, comme les bêtes féroces, contre les hommes de toute condition, sans même épargner les siens » (( Anonyme, Epitome De Caesaribus, Domitien, XI, 9-10))

Sur la base de ces deux textes, Norbanus fut longtemps confondu avec Lappius Maximus et le nom du légat de Germanie inférieure devint Aulus Bucius Lappius Norbanus Maximus.
Les deux personnages semblent pourtant bien différents ((Th. BERGK, Der Aufstand des Saturninus, in Zur Geschichte und Topographie der Rheinlande in romïscher Zeit, Leipzig, 1882. Berck dissociait déjà les deux personnages.)), d’un côté le légat Lappius Maximus et de l’autre le procurateur de Rétie, Norbanus, préfet du Prétoire au moment de l’assassinat de Domitien ((B. W. JONES, The Emperor Domitian, Londres, 1992. Son hypothèse est reprise par Charles L. MURISSON, M. Cocceius Nerva and the Flavians, Transactions of The American Philological Association, 2003, vol. 133, 1.)).

Légat de Syrie (90-91)

Une inscription du Théâtre de Jerash (Gerasa, Jordanie), rédigée en Grec dans une tabula ansata ((AE, 1973, 558)) mentionne Lappius Maximus et nous donne la date de sa présence en Syrie romaine puisque l’année 153 de l’ére de Pompée commence à l’automne 90 et finit à l’automne 91.

« A la déesse Bonne Fortune. En l’an 153, ce théâtre fut consacré à l’Empereur César, fils du Divin Vespasien, Domitien, Auguste, Germanicus, Grand Pontife (Pontifex Maximus), Père de la Patrie (Pater Patriae), sur l’ordre du légat Lappius Maximus »

Un diplôme militaire, daté du 12 mai 91, ((Revue Archéologique = AE., 1961, 319, pp 333-334)) nous apporte une confirmation :

IMP • CAESAR • DIVI • VESPASIANI• F• DOMITIANVS / AVGVSTVS• GERMANICVS• PONTIFEX •MAXIMVS / TRIBVNIC •POTESTAT• X• IMP• XXI• COS• XV• CENSOR• PERPETVVS• PP / EQVITIBVS• QVI• MILITANT• IN• ALIS• TRIBVS• III• THRA / CVM• AVGVSTA•ET• FLAVIA• PRAETORIA• SINGVLARI / VM• ET• GALLORVM• ET• THRACVM• CONSTANTIVM / ET• PEDITIBVS• ET• EQUITIBVS• QVI• IN• COHORTIBVS / SEPTEM• I• THRACVM• MILLIARIA• ET• I• GAETVLO / RVM• ET• I• LVCENSIVM• ET• I• SEBASTENA• ET• II / THRACVM• CIVIVM• ROMANORVM• ET• II THRA / CVM• SYRIACA• ET• II• ITALICA• CIVIVM• ROMA
NORVM• QVAE• SVNT• IN• SYRIA• SVB• BVCIO• LAPPIO / MAXIMO• QVI• QVINA• ET VICENA• PLVRAVE• STI / PENDIA• MERVERVNT• ITEM• DIMISSIS• HONESTA / MISSIONE• EMERITIS• STIPENDIIS• QVORVM• NOMI / NA• SVBSCRIPTA• SVNT• IPSIS• LIBERIS• POSTERISQVE / EORVM• CIVITATEM• DEDIT• ET• CONVBIVM• CVM• VXO / RIBVS• QVAS• TVNC• HABVISSENT• CVM• EST• CIVI / TAS• IIS• DATA• AVT• SI• QVI• CAELIBES• ESSENT• CVM• IIS / QUAS• POSTEA• DVXISSENT• DVMTAXAT• SINGVLI• SIN /GVLA• S• A• D• IIII• IDVS• MAIAS / P• VALERIO• MARINO• CN• MICINIO• FAVSTINO• COS•
ALAE• III• THRACVM• AVGVSTAE• CVI• PRAEST / M• TERENTIVS• M• F• POL• QVIRINALIS
GREGALI / QVELSE DOLAE • F • THRAC / DESCRIPTVM• ET• RECOGNITVM• EX• TABVLA• AENEA
QVAE• FIXA• EST• ROMAE• IN• MVRO• POST• TEMPLVM / DIVI• AVG• AD• MINERVAM
L’empereur César Domitien, fils du divin Vespasien, Auguste, Vainqueur des Germains, Souverain Pontife, investi de la puissance tribunitienne pour la Xe fois, acclamé XXIe fois Imperator, Consul pour la XVe fois, Censeur perpétuel, Père de la Patrie, aux cavaliers et aux fantassins qui servent dans les escadrons de cavalerie (Alis) et les cohortes suivantes…[suit le nom des unités], se trouvant en Syrie, sous le commandement de Bucius Lappius Maximus qui :

  • ont accompli leurs 25 stipendia ou plus.
  • reçu leur congé honorable,« honesta missio ».
  • dont les noms sont écrits ci-dessous.

à eux mêmes, à leurs enfants et à leurs descendants, a donné la citoyenneté romaine et le droit au mariage avec les épouses qu’il auraient au moment où leur fut conférée la citoyenneté, ou pour ceux qui auraient été célibataires pour les épouses qu’ils prendront par la suite, à condition que ce soit une femme pour un homme.
Fait le 12 mai 91, sous le consulat de P. Valerius Marinus et de Cn. Micinius Faustinus.
Au troisième escadron des Thraces que commande M. Terentius fils de Marcus de la tribu Pollia Quirinale.
Au simple soldat Quelsis Dola, fils de Thrac(?) ((probablement originaire de Thrace)):
Transcrit et reconnu conforme à la table de bronze qui a été placardée, à Rome, sur le mur derrière le temple d’Auguste Divinisé et près de Minerve ((prés de la statue de Minerve sûrement)).

La première puissance tribunitienne correspond à l’accession de Domitien au trône, soit le 14 septembre 81, puis par la suite elle est renouvelée tous les ans à la date anniversaire. La dixième puissance tribunitienne indique donc la fin de l‘année 90 et le début de l’année 91. La mention S• A• D• IIII• IDVS• MAIAS stipule quatre jours avant (Ante) le jour (Diem) des ides (idus = le 15 du mois) du mois de mai (Maia) soit le 12 mai 91.

Deux fois consul (86 puis 95)

L’inscription que nous avons mentionnée pour les Guerres de Germanie stipule bien un deuxième consulat pour Lappius qu’il obtient le 1 mai 95 (Fasti Ostienses).

[—]lliae / [—]appi Maximi, / bis co(n)s(ulis)/ confectoris / belli / Germanici ((CIL, VI, 1347 = ILS, 1006= VI, 37049, Rome, extra portam Flaminiam))

Il faut choisir Nerva

Lappius aurait exercé une influence considérable sur les proches et sur les « assassins » de Domitien. Il les aurait persuadés de nommer, pour lui succéder, quelqu’un qui puisse être accepté par tous : un fervent partisan des Flaviens, un homme déjà âgé, amoindri par la maladie, sans enfant ni successeur déclaré… Nerva représentait alors un choix parfait ((B. W. JONES, The Emperor Domitian, Londres, 1992. Son hypothèse est reprise par Charles L. MURISSON, M. Cocceius Nerva and the Flavians, Transactions of The American Philological Association, 2003, vol. 133, 1.)).

Nous ne savons rien sur la fin de carrière de Lappius Maximus ((L’Année épigraphique, 1973, 558, propose d’attester Lappius comme Pontife en 102, sur la base des CIL, III, 31034-32445. Cette lecture nous paraît erronée car le Pontife porte le nom de A. Lappius Thallus.))

Auteur : Legion VIII Augusta

Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.

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