Caius Julius Septimius Castinus

Par • Publié dans : Corpus

Légat entre 193 et 207

Le Corpus Inscriptionum Latinarum propose trois variantes d’une inscription découverte à Aquincum (Budapest, Hongrie) et qui commémore le gouvernement de Caius Julius Septimius Castinus en Pannonie inférieure.

Variante 1
P() / C(aius) Iul(ius) Se(ptimius) Castinus co(n)s(ul) / des(ignatus) leg(atus) Aug[[gg(ustorum)]] pr(o) pr(aetore) / P(annoniae) i(nferioris) leg(atus) leg(ionis) I M(inerviae) ex praec(epto) dom(inorum) / nn[[n(ostrorum)]] dux vex(illationum) IIII Germ(anicarum) / VIII Aug(ustae) XXII Pr(imigeniae) I M(inerviae) / XXX Ulp(iae) adver(sus) de(f)ec(tores) / et rebelles proco(n)s(ul) / Cretae et Cyr(enarum) iurid(icus) / per Apul(iam) Cal(abriam) Luc(aniam) / Bru(ttios) cur(ator) viae Sal(ariae) / cur(ator) Ae(c)lan(ensium) praet(or) / tutel(arius) tr(ibunus) pl(ebis) qu(a)est(or) / tr(ibunus) mil(itum) leg(ionis) I / Ad(iutricis) item V Mac(edonicae) ((CIL III, 10471 = AE 1890, 00082 = AE 1972, +00378. Pannonia inferior, Aquincum.))
Variante 2
C(aius) Iul(ius) Sep(timius) Castinus co(n)s(ul) / des(ignatus) leg(atus) Aug[[gg(ustorum)]] pr(o) pr(aetore) P(annoniae) i(nferioris) / leg(atus) leg(ionis) I M(inerviae) ex praec(epto) / dom(inorum) nn[[n(ostrorum)]] dux vexil(lationum) / IIII Germ(anicarum) VIII Aug(ustae) XVIII / Pr(imigeniae) I M(inerviae) XXX Ulp(iae) adver(sus) de/fectores et rebelles proco(n)s(ul) / Cretae et Cyr(enarum) iurid(icus) per Apul(iam) / Cal(abriam) Luc(aniam) Bru(ttios) cur(ator) viae Sal(ariae) / cur(ator) Ae(c)lan(ensium) praet(or) tutel(arius) tr(ibunus) pl(ebis) q/uaest(or) tr(ibunus) mil(itum) leg(ionis) I Adi(utricis) item [V Mac(edonicae)] ((CIL III, 10472 = AE 1972, +00378, Pannonia inferior, Aquincum.))
Variante 3
C(aius) Iul(ius) Sept(imius) Castinus co(n)s(ul) / desig(natus) leg(atus) Aug[[gg(ustorum)]] pr(o) pr(aetore) / P(annoniae) i(nferioris) leg(atus) leg(ionis) I M(inerviae) ex praec(epto) dom(inorum) / nnn(ostrorum) dux vexil(lationum) IIII / Germ(anicarum) VIII Aug(ustae) XVIII Pr(imigeniae) I / M(inerviae) XXX Ulp(iae) advers(us) defectores / et rebelles proco(n)s(ul) Cretae et Cyr(enarum) / iurid(icus) per Apul(iam) Cal(abriam) Luc(aniam) Brut(tios) / cur(ator) viae Sal(ariae) cur(ator) Ae(c)lan(ensium) p(r)aet(or) / tutel(arius) tr(ibunus) pl(ebis) quaest(or) tr(ibunus) mil(itum) leg(ionis) / I Adi(utricis) item V Mac(edonicae) ((CIL III, 10473 = D 01153 = AE 1972, +00378, Pannonia inferior, Aquincum.))

Caius Julius Septimius Castinus, consul désigné, légat propréteur des trois Augustes, pour la Pannonie inférieure, légat de la Ie légion Minerva, selon la volonté de nos maîtres chef d’une vexillation prise sur les quatre légions germaniques, la VIII Augusta, la XXII Primigenia, la I Minerva et la XXX Ulpia contre les traîtres et rebelles, proconsul de la Crète et de la Cyrénaïque, juge pour l’Apulie, la Calabre, la Lucanie et le Bruttium, curateur de la via salaria, curateur d’Aeclanum, préteur tutélaire, tribun de la plèbe, questeur, tribun militaire de la Ie légion Adiutrix et de la Ve légion Macedonica.

Incription d' Aquincum (Budapest, Hongrie) et qui commémore le gouvernement de Caius Julius Septimius Castinus en Pannonie inférieure.
Incription d’ Aquincum (Budapest, Hongrie) et qui commémore le gouvernement de Caius Julius Septimius Castinus en Pannonie inférieure.

Le cursus honorum

Cette dédicace nous permet de suivre, étape par étape, la carrière de Castinus :

Il débute son « cursus sénatorial » par le tribunat militaire, dans la Ie légion Adiutrix, basée à Brigetio (actuelle Szony, Hongrie) en Pannonie inférieure, puis dans la Ve Macedonica, installée à Potaissa, en Dacia Porolissensis ( Dacie septentrionale. Turda, Roumanie).

Cette épigraphe pourrait dater de ce temps :

épigraphe
[I(ovi) O(ptimo)] M(aximo) / C(aius) Iulius / Casti/nus / l(ibens) [d(edit?)]((IGLNovae 00021 = ILBulg 00271 = AE 1932, 00054 : Moesia inferior. Svishtov/ Novae.)) A Jupiter très bon très grand, Caius Iulius Castinus dédie ce témoignage avec plaisir.

Il devient Questeur, Tribun de la Plèbe, puis Préteur.
Haut fonctionnaire dans l’administration romaine, il commence son cursus prétorien par deux curatelles et le poursuit par des fonctions judiciaires:

  • Curator rei publicae : il exerce une tutelle sur les finances d’Aeclanum ( ou Aeculanum), une cité du Samnium. Le contrôle des comptes des décurions demeure plus ou moins lointain mais permet à l’Empereur de conserver des recettes locales ((François JACQUES, Le privilège de la liberté : politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161- 244) , Paris, Ecole française de Rome, 1984. La fonction de Curator rei publicae semble apparaître au IIe siècle puis se généralise sous Marc Aurèle. Elle ne semble pas correspondre à une intrusion brutale de l’administration impériale dans les finances locales et le travail des décurions mais permettrait simplement à l’Empereur de conserver des recettes locales.))
  • Curator viae Salariae : Il surveille l’ état de la via Salaria, s’adresse à des entrepreneurs pour les mises en chantier ou les réparations. Sa compétence s’étend à toute la longueur de cette route qui part de Rome, traverse la péninsule italienne et rejoint l’Adriatique à Castrum Truentinum ( Porto d’Ascoli).
  • Juridicus pour l’Apulie et la Calabre (région II d’Auguste) mais aussi pour la Lucanie et le Bruttium (région III d’Auguste). Toutes les cités de l’Italie centro-méridionale ne sont plus directement soumises aux magistrats judiciaires de Rome mais dépendent de lui ((Marcel LE GLAY, Yann LE BOHEC, Jean-Louis VOISIN, Histoire romaine, puf, 1991, pages 305 et 316. Hadrien « dans son désir, sans doute légitime mais mal compris, d’alléger le travail des magistrats romains » avait divisé l’Italie en quatre circonscription judiciaires confiées chacune à un consulaire. Son successeur, Antonin, supprima cette création impopulaire. Marc Aurèle rétablit ces consulaires sous la dénomination de Juridici, choisis parmi les anciens préteurs.)).

Nommé Dux d’une vexillation, il puise des détachements dans les deux légions de Germanie supérieure, la VIII d’Argentorate et la XXII de Mayence, comme dans les deux légions de Germanie inférieure, la I Minerva de Bonne et la XXX Ulpia de Vetera ((Sous les Sévères, un rôle considérable est donné à ces grands corps expéditionnaires organisés pour une seule expédition et commandées par un Dux.)). Contre qui et quand cette force armée doit-elle combattre ? Nous ne le savons pas exactement et ne pouvons qu’examiner les possibilités :

  1. Contre Pescenius Niger en 193-194 ? Les légions d’Orient proclament Empereur le légat de Syrie, Niger (nommé en 191-192). Les légions de Septime Sévère remportent deux succès, à Cyzique, sur les rives de la Mer Noire puis à Nicée, un peu plus à l’Est , fin 193- début 194. La victoire décisive intervient à Issos, en avril 194, pratiquement là où Alexandre le Grand vainquit Darius III. Niger est capturé et décapité, ses partisans pourchassés et exécutés.
  2. Contre Claudius Albinus en 196 ? Au cours de l’année 196, le gouverneur de Bretagne, Claudius Albinus, « César associé » depuis 193, rallie toute la Gaule, s’attache la Tarraconaise et installe son quartier général à Lyon d’où il menace toutes les garnisons de la frontière rhénane. Septime Sévère remporte une difficile victoire aux abords de Lyon et Albinus se suicide.
  3. Contre une révolte qui se placerait en 207 et dont nous ignorerions les chefs, les troupes et l’étendue.

Castinus monte en grade et nous le retrouvons légat de la Ie Minerva à Bonne en 205/208 comme en témoigne cette épigraphe à caractère militaire :

épigraphe
[I(ovi)] O(ptimo) M(aximo) et Geni[o] / [vexillationis?] / [leg(ionis) I M(inerviae) P(iae) F(idelis)?] // Sub Iulio Cas/tino leg(ato) leg(ionis) I M(inerviae) / Petroni / Aquilae |(centurionis) fur/nus factus ar(chitectante) / Val(erio) Aman(do) dis/cente [[duobus]] / Aug[[g(ustis]] co(n)s(ulibus)((CIL XIII, 07945 = D 02459. Germania inferior , Iversheim.)) A Jupiter très bon très grand et au Génie de la vexillation de la Ie légion Minerva, sous Julius Castinus, légat de la Ie légion Minerva, dirigée par le centurion Petronius Aquila, ce four a été construit par le discens (apprenti) Valerius Amendus.

Un détachement de la Ie Minerva, placé sous les ordres du centurion Petronius Aquila travaille, à Iversheim, à une importante batterie de fours à chaux ((W. SÖLTER, Römische Kalkbrenner im Rheinland. Dusseldorf, 1970.)). La construction de l’un de ces fours est l’œuvre de l’apprenti Valerius Amendus.
Nous pouvons dater cette dédicace soit de 202 quand Septime Sévère et Caracalla furent consuls en même temps, soit de 205 ou de 208 par les consulats conjoints de Geta et de Caracalla.

Enfin, Caius Julius Septimius Castinus devient légat de Pannonie inférieure avec le rang de propréteur (211-213)
La dédicace préciserait bien « sous nos trois empereurs » avec 3 g à Auggg(ustorum) et « de nos trois maîtres » avec 3 n à nnn(ostrorum). Dans ce cas il faudrait admettre que cette légation prendrait effet entre deux évènements bien repérés dans le temps:

  • l’ instant où Septime Sévère accorde, courant 209, à son fils cadet Geta le titre d’Auguste ( Imperator Caesar Publius Septimius Geta Augustus).
  • La mort de Septime Sévère, le 4 février 211, à York.

Pendant moins de trois années Rome possède trois Augustes à la fois, même si en pratique ils n’étaient pas de rang égal. Donc Castinus aurait été nommé par Septime Sévère et poursuivrait sa légation sous le règne de Caracalla.
Après l’assassinat de Geta, le 26 février 212, le martelage d’1 n à « nostrorum » tenterait d’effacer la mémoire du « frère détesté » de Caracalla tandis que la suppression de 2 g à « Augustorum » résulterait d’une erreur du lapicide ((Gerald J. MURPHY. The Reign of the Emperor L. Septimius Severus from the evidence of the Inscriptions. Jersey City, N.J., St. Peters College Presse (Diss., Univ of Pennsylvania, 1945). Une analyse de l’inscription est rappelée et commentée dans American Journal of Philology, vol.71, n°2, 1950, pp. 193-202.)).

Pendant sa légation, Castinus offre une dédicace personnelle à Mithra :

dédicace à Mithra
Deo Invicto / Mit(h)rae C(aius) / Iul(ius) Casti/nus leg(atus) Augg(ustorum) / pr(o) pr(aetore)((CIL III, 03480. Pannonia inferior, Budapest / Aquincum.)) Au Dieu Invaincu Mithra, Caius Julius Castinus, légat propréteur de nos deux Empereurs.

Légat propréteur de Dacie (217)

Sa carrière ne s’arrête ni au consulat que le lapicide mentionne en premier, ni en Germanie. Une autre inscription nous démontre qu’il devient légat propréteur de Dacie et qu’il jouit de la confiance du Prince. Caracalla lui confie la surveillance d’une partie du limes danubien !

inscription
Imp(eratori) [Caes(ari)] M(arco) Aurelio An/ton[ino P(io) F(elici)] Au[g(usto) Parth(ico)] / ma[ximo Britannico] ma/xim[o Germanico maxi]mo / [pontifici maximo trib(unicia)] / [pot(estate) XX imp(eratore) III co(n)s(ule) IV proco(n)s(ule)] / [3]LV[3] / [C(aius) Iul]ius Se[ptimius C]a/[stinus leg(atus) Aug(usti) pr(o) pr(aetore)] / [pro]vi[nciae Daciae] / [3] merito de[dicavit]((IDR-02, 00175 = AE 1959, 00327. Dacia, Bumbesti-Jiu .)) A l’Empereur César Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus, grand vainqueur des Parthes, grand vainqueur de la Bretagne, grand vainqueur des Germains, grand Pontife, qui a reçu la Puissance tribunicienne pour la vingtième fois, a été acclamé Imperator pour la troisième fois, consul pour la quatrième fois, proconsul, Caius Julius Septimius Castinus, légat propréteur de la Province de Dacie a fait cette dédicace à juste titre.

La titulature complète de Caracalla correspond à l’année 217, celle de sa mort puisqu’il est assassiné le 8 avril 217. Elle nous invite à dater la nomination de Castinus comme légat d’Auguste en Dacie avec le rang de propréteur au début de l’année 217.

Assassiné sur ordre

Dion Cassius témoigne de la disgrâce puis de fin tragique de Castinus :

« Il fut ( Macrin) encore plus irraisonnable en envoyant Marcius Agrippa comme gouverneur d’abord en Pannonie puis en Dacie. Parce qu’il avait sur le champ rappelé les gouverneurs de ces provinces, Sabinus et Castinus, prétendant qu’il souhaitait leur compagnie, mais en réalité parce qu’il craignait leur esprit fier et leur amitié pour Caracalla. C’est pourquoi il envoya Agrippa en Dacie et Decius Triccianus en Pannonie» (Dion Cassius, 79, 13)

Après avoir fait assassiner Caracalla, Macrin appréhende la réaction des gouverneurs du limes danubien qui disposent de légions redoutables. Il remplace donc ces légats, amis du prince défunt, par des hommes de son choix et les fait venir à Rome, sous le prétexte de goûter leur présence.

« Et Castinus périt parce qu’il était trop énergique et était connu de trop de soldats en raison de ses nombreux commandements et aussi et cause de ses liens étroits avec Antoninus (c’est à dire Caracalla). Il avait obtenu de vivre en Bythinie où il avait été envoyé autrefois pour d’autres raisons. L’Empereur (Elagabal) maintenant le condamne à mort en dépit du fait qu’il avait assuré, par lettre, le Sénat de la réhabilitation de cet homme condamné à l’exil par Macrin, exactement comme il l’avait fait pour Julius Asper » (Dion Cassius, 80, 4)

Auteur : Legion VIII Augusta

Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.

A voir aussi