Muli romani – Les mules de la Légion VIII Augusta
Par Legion VIII Augusta • Publié dans : Histoire vivante
Le projet
Des idées plein la tête
La logistique des légions ? Leurs moyens de transport ? L’allure de déplacement ? Leurs capacités de projection, de franchissement ? Tels étaient les questions qui trottaient dans la tête des membres de notre association depuis bien longtemps, depuis trop longtemps !
Certes nous connaissions les illustrations de Peter Connolly et d’Angus McBride tout comme les expérimentations de Markus Junkelmann mais nous désirions nous frotter à la réalité.
Deux réalisations de notre groupe, la « marche expérimentale Bibracte-Alésia» et la fabrication d’une carrobaliste, nous confirmèrent la place importante tenue par le mulet, les « muli » présents sur la colonne trajane et sur nombre de stèles funéraires.
Une fois le constat établi, l’idée de travailler avec des mulets germa, prit forme puis se décida. Allions-nous les louer, les prendre en sous-traitance ou faire l’effort de les acheter ? Rapidement, le choix de posséder nos propres bêtes s’imposa. Nous décidions d’acquérir deux mulets pour quatre raisons primordiales :
- Pouvoir présenter un contubernium complet avec ses deux animaux de bât, menés par deux calones et ses huit hommes portant leur panoplie et leurs sarcinae.
- Accomplir une marche avec cet équipage.
- Réaliser une carrobaliste.
- Élever les deux mules et confronter notre vécu aux « traités agricoles » de Varron, Columelle, Pline, Palladius et Végèce (pour son « Mulomedicina »), sans oublier les textes des auteurs grecs comme Ésope. Ces sources antiques nous permettaient déjà de mieux nous rendre compte de l’ancienneté des connaissances sur cet hybride.
Des idées aux actes
Les idées maintenant bien en place il ne nous restait plus que le passage à l’acte….nous découvrîmes alors que se procurer deux mulets ne constituait pas une mince affaire.
Par l’entremise de notre ami Didier Cornaille, écrivain et cavalier reconnu, nous parvenions à prendre contact avec les « haras nationaux » et obtenions un rendez-vous auprès du « Délégué National ânes et mulets ». D’abord très surpris, il s’intéressa à notre démarche et nous demanda de lui préparer un dossier complet. Il nous précisa bien que : « La mission des haras nationaux étant avant tout, la promotion des races », nous aurions des « mulets romains » de race !
Choisir deux « muli » n’est pas si simple
Pour déterminer ce que nous voulions avec la plus grande précision nous dûmes :
- Définir le profil psychologique des animaux en vue de leur utilisation : un travail, souvent au contact du public et de nombreux élèves, choses essentielles pour nous. Suite à cette première étude, il nous fut conseillé de prendre des femelles, plus calmes et plus souples de caractère. Donc nous aurions des mules !
- Puiser dans les données archéologiques. Les mulets retrouvés à Kalkriese (Allemagne) et à Carnuntum (Autriche), l’iconographie des stèles du Ier et du II e siècles ap. J.-C. nous permirent de cerner un profil physique, le plus proche possible de celui des mulets utilisés dans l’antiquité.
Valse et Vodka entrent en scène
En raison de sa taille, nous écartions rapidement la mule du Poitou, celle-ci pouvant dépasser les 170 cm pour un poids moyen de 600 à 700 kg. Nous contactions « l’Association Nationale des éleveurs d’ânes et de Mulets des Pyrénées » qui possédaient des animaux dont le profil correspondait beaucoup plus à notre recherche!
Ils nous présentèrent deux jeunes mules de 18 mois, Valse et Vodka, qui collaient parfaitement à ce que nous recherchions. Avec ses 1.40m Valse représentait la mule de taille moyenne, comme celle de Kalkriese. Vodka et ses 1.55 m figurait bien le mulet de grande taille comme celui retrouvé à Carnuntum.
Le quotidien et le dressage (des muletiers bien-sûr !)
Une fois le projet financé et les démarches administratives d’acquisition réglées, il ne restait que des problèmes de logistique, ceux liés à leur parcage et à leurs soins
Un autre de nos amis, Philippe, de la ferme de Rivault à Autun, nous proposa d’accueillir nos mules sur ses terres et de fournir un soutien conséquent. Elles mangent, boivent, s’évadent de temps en temps…
Enfin nous arrivions au vif du sujet :
- Les muletiers-légionnaires de notre association durent se former sur le tas. Conduire 450 à 500 kg de muscles avides de découvrir le monde et ses chemins n’est pas une mince affaire ! Leur faire comprendre qu’il faut porter un bat, même très léger, ne se fait pas sans beaucoup d’abnégation…Valse et Vodka demandent de l’attention, du temps et aussi des câlins ! Sans compter la toilette, les soins, le maréchal ferrant, le vétérinaire…
- Nous entrâmes dans une deuxième phase de recherches approfondies sur les mules et mulets dans l’Antiquité. Cette prospection accapare aujourd’hui Strabo, notre rat de bibliothèque (pardon ! notre fouine !) capable lui seul de dénicher de véritables merveilles là où nul ne penserait à les rechercher.
C’est le résultat de cette longue démarche, de cette véritable aventure, intellectuelle et physique, que nous vous proposons de suivre sur notre site. Une histoire d’amour qui unit des hommes (Renaud, Thibault, Benjamin, Stéphane…) à deux gros bébés de 500kg.