La rose dans la Rome antique

Par • Publié dans : Empire romain

Quelles étaient les roses des Romains ? Dans l’état actuel des connaissances la question reste complexe vu la multitude des espèces et des croisements, spontanés ou non. A l’époque romaine, il ne s’agissait ni des églantiers sauvages ni de nos roses, puisque même les variétés dites « anciennes » ont souvent été créées au XIXème siècle.
Aussi, la plus grande incertitude règne au sujet des espèces de roses dont les auteurs de l’antiquité ont fait mention, et beaucoup de doutes subsistent quant à celles qu’ils ont pu connaître ou cultiver.

Pompei : Maison du Bracelet d'Or
Pompei : Maison du Bracelet d’Or

Les fresques de Pompéi ont bien livré plusieurs représentations de roses, comme celle de la Maison au Bracelet d’Or, mais « aucune ne peut être identifiée avec certitude » écrit W. Jashemski.
On peut toutefois penser que les Romains cultivaient Rosa gallica, Rosa damascena bifera et Rosa alba. Ils connaissaient également Rosa canina dont ils faisaient une utilisation médicinale de la racine.

Pline l’Ancien, écrit dans le livre XXI de son Histoire Naturelle, que les espèces les plus célèbres en son temps sont la rose de Préneste (Est de Rome), et la rose de Campanie (Paestum – Sud de l’Italie). Viennent ensuite les roses de Milet, de Trachine, et la rose du Mont-Pangée (Grèce), la rose d’Alabanda (Turquie). La rose de Cyrène (en actuelle Lybie) quant à elle est la plus odorante.

Caractéristiques

Rosa gallica : rosier de France ou rosier de Provins

Espèce de rosier originaire d’Europe centrale et méridionale et d’Asie occidentale de la Turquie au Caucase. C’est un arbrisseau à feuilles caduques pouvant atteindre jusqu’à deux mètres de haut, les tiges sont munies d’aiguillons et de poils glandulaires. Les feuilles, imparipennées, comptent de trois à sept folioles vert-bleu. Les fleurs sont réunies en groupes de 1 à 4. Ce sont des fleurs simples, dont la corolle compte cinq pétales de couleur rose, odorantes. Les fruits de forme globuleuse à ovoïde, ont de 10 à 13 mm de diamètre et sont à maturité de couleur orange à brun. Cette espèce est protégée en France

Prima Porta - Maison de Livie
Prima Porta – Maison de Livie

La rose de Præneste semble être Rosa gallica versicolor.
La rose de Milet rouge à une dizaine de pétales, et la rose de Pangée sont des variétés de Rosa gallica.

Rosa gallica officinalis

Source de l’essence de rose que les Romains utilisaient en grande quantité ainsi que les pétales. Ils confectionnaient des couronnes et des guirlandes de pétales, ils en jonchaient le sol, en remplissaient des coussins. Lors des banquets, si une rose était suspendue, en hommage à Harpocrate, dieu du silence, les invités devaient garder secrètes les paroles échangées « sous la rose ». Ils en utilisaient de telles quantité que la culture de la rose devint localement une activité économiquement importante et que Rome importait aussi par bateau des roses d’Égypte (dont c’était la plus importante exportation vers Rome), de Carthage et de Cyrénaïque (l’actuelle Libye).

Rosa damascena : rosier de Damas

Rosier hybride, considéré comme l’un des types importants des roses anciennes. Il tient une place de choix dans le pédigrée de nombreux autres types de rosiers. Il serait issu du croisement de Rosa gallica et d’un Synstylæ, Rosa phoenicia ou Rosa moschata (Huxley 1992). Des analyses d’ADN réalisées en 2000 au Japon ont montré que Rosa fedtschenkoana Regel était l’un des trois parents des rosiers de Damas. L’hybride Rosa centifolia serait dérivé en partie de Rosa damascena.

La rose de Tachys est une forme de rosa damascena
Rosa damascena bifera ou rose des 4 saisons

Rosa alba semiplena

Rose blanche d’York, déjà cultivée par les Romains (rose de Campanie), qui existe encore à l’état sauvage dans le Kurdistan. Le Rosier blanc (Rosa alba) est un nom collectif pour une espèce hybride de rosier originaire d’Europe où elle est connue depuis l’Antiquité et cultivée depuis la Renaissance. C’est en fait un groupe d’hybrides dont la parenté est incertaine, probablement issus de croisements entre Rosa gallica et Rosa corymbifera ou bien Rosa damascena et Rosa canina.

La rose d’Alabande est une rosa alba

Rosa Canina : églantier commun (Rosa canina L.)

Arbrisseau épineux de la famille des rosacées, très commun dans les régions tempérées de l’ancien monde. On le trouve dans les haies et les bois surtout en plaine. C’est une espèce botanique présentant de nombreux écotypes, toujours à fleurs simples. Il est utilisé comme porte-greffe pour des variétés de roses améliorées. Certains de ses hybrides sont des rosiers cultivés. Les Romains faisaient une utilisation médicinale de sa racine.

On peut ajouter à cette liste :

Rosa sempervirens : rosier toujours vert (Rosa sempervirens)
Espèce de rosier, classée dans la section des Synstylae, originaire d’Europe méridionale, d’Afrique du Nord et d’Asie mineure.
Il a été introduit en culture en Angleterre en 1629, mais il se peut que ce soit le « coroniola » (rose d’automne) de Pline l’Ancien, donc une rose déjà cultivée par les Romains.

Rosa pimpinellifolia : rosier pimprenelle (Rosa pimpinellifolia)
Espèce de rosiers originaire d’Europe et d’Afrique du Nord. C’est une espèce qui a une aire de diffusion assez étendue, généralement sur sols pauvres. Cette espèce comprend Rosa pimpinellifolia de Linné et Rosa spinosissima de Linné qui est en réalité une variété que l’on différencie mieux en la nommant Rosa pimpinellifolia type spinosissima.
Rosa pimpinellifolia Myriacantha = le spinolea de Pline l’Ancien.

La rose au jardin

La flore des anciens paraît assez pauvre si nous la comparons à la nôtre. Pendant longtemps, dit Pline, les Romains ne cultivèrent dans leur jardin presque point d’autres fleurs que les roses et les violettes, notamment pour la confection de couronnes.

Concernant la culture du rosier, Pline (H.N. XXI, 10) indique :

« Il vient très lentement de graine (la graine est dans le calice, sous la fleur même, et recouverte d’un duvet) ; aussi préfère-t-on le planter de bouture. Une seule espèce se plante, comme le roseau (XVI, 67), par des yeux de racine: c’est le rosier à roses pâles, épineuses, à cinq pétales, à branches très longues; cette rose est la seconde des roses grecques.
Au reste, la vraie rose doit elle-même beaucoup au terroir : c’est à Cyrène qu’elle est le plus odorante; aussi le parfum qu’on y fait est-il excellait; à Carthagène en Espagne [grâce au terroir], il y a des roses précoces pendant tout l’hiver. La température n’est pas non plus sans influence : en certaines années, les roses sont moins odorantes. En outre, elles sont toutes plus parfumées dans les lieux secs que dans les lieux humides.
Le rosier ne veut être planté ni dans les terrains gras, ni dans les terrains argileux, ni dans les terrains arrosés. Il se contente d’une terre légère, et aime particulièrement un sol couvert de gravier. Pour le rosier on travaille la terre plus profondément que pour le blé, et plus superficiellement que pour la vigne.
Tous les rosiers gagnent à être taillés et passés au feu. La transplantation les fait, comme la vigne, pousser très bien et très vite : on a des boutures de quatre doigts de long ou plus, on les plante après le coucher des Pléiades; puis, lorsque le Favonius (vent d’occident) souffle, on les replante à des intervalles d’un pied, et l’on remue fréquemment la terre alentour. Ceux qui veulent rendre les rosiers hâtifs font une fosse d’un pied autour de la racine, et y versent de l’eau chaude au moment ou les boutons commencent à pousser. »

Palladius (De Re Rustica III,21) nous apprend comment multiplier le rosier :

« Faites, dans ce mois, des plants de rosiers, soit par la bouture, soit au moyen de la graine, dans une petite tranchée ou dans des fosses. Mais ne pensez pas que ces graines soient ces étamines de couleur d’or qui occupent le milieu de la fleur ; la rose donne des baies semblables à une petite poire et remplies de graines qui mûrissent après la vendange. Leur maturité se reconnaît à leur mollesse et leur couleur foncée. Si vous avez d’anciens plants, remuez la terre alentours avec le sarcloir ou le hoyau, et coupez tout ce qui est sec. Renouvelez aussi, avec de jeunes branches que vous coucherez en terre, les rosiers qui sont trop clairsemés. Si vous voulez avoir des roses hâtives, faites une fosse circulaire à deux palmes des rosiers, et arrosez-les d’eau chaude deux fois par jour. »

Pompéi – jardin de la Maison des Vettii
Pompéi – jardin de la Maison des Vettii

La culture de plein champ

Parmi les fleurs, les roses tenaient un rôle prépondérant que Pline souligne à plusieurs reprises en rappelant avec bien d’autres auteurs, qu’elles sont très largement cultivées (N.H. III, 40 ; XIII, 26 ; XVIII, 111 ; XXI, 16).

Sous l’Empire il n’y avait point de provinces si lointaines, où la rose ne se fût propagée et où elle ne fût considérée comme la reine des fleurs. A Samos, on était arrivé à faire fleurir les rosiers deux fois par an. Par la culture en serre on obtenait des roses en plein hiver ; ces rosae festinatae ou praecoces étaient pour Carthagène (Espagne) une importante source de revenus.
L’Égypte les cultivait avec le plus grand succès, à tel point qu’elle en envoyait à Rome durant l’hiver. Mais sous Domitien les fleuristes du Latium avaient fait eux-mêmes assez de progrès pour se passer de ces envois. Martial assure qu’à leur tour ils auraient pu fournir l’Égypte de rosae hibernae.

Nombre de textes poétiques évoquent les champs de roses de Paestum à la fin de la République et au début de l’Empire :

  • Virgile dans les Géorgiques IV, évoque les roseraies qui fleurissent deux fois l’an (biferique rosaria Paesti);
  • Ovide dans les Pontiques II, 4, 28, oppose le parfum du souci à celui de la rose de Paestum, et dans les Métamorphoses III, 15, 708, Asclepios longe par mer les roseraies de la tiède Paestum;
  • Properce dans ses Elégies IV, 4, 69, évoque les roses de l’odorante Paestum;
  • Martial en cite à cinq reprises les champs comme l’archétype des roseraies en IV, 42, 10, en V, 37, 9, en IX, 60, 1 et en XII, 31, 3 où il souligne aussi leur production bisannuelle (nec bifero cessura rosaria Paesto).

Le vocabulaire employé (rosaria : champs de roses) et l’insistance sur la productivité semblent indiquer qu’il s’agissait de cultures de plein champs sur une large échelle et pas seulement de fleurs d’agrément au jardin. De telles rosaria ne s’expliquent que si leur production débouche sur un artisanat susceptible de générer des profits : la confection de guirlandes et surtout la fabrication de parfums à base de rose.

Champ de rosa damascena en Turquie
Champ de rosa damascena en Turquie

Auteur : Legion VIII Augusta

Histoire vivante et reconstitution historique du Ier siècle après J.C.

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